L'Agence des infrastructures du transport du Québec est la pierre d'assise du changement de culture que souhaite instaurer le ministre des Transports, Sylvain Gaudreault, pour l'entretien du réseau routier et la gestion des chantiers.

À Montréal, devant l'Association québécoise des transports, le ministre a estimé, vendredi, que ce projet de loi 68, déposé en décembre dernier, est le «pas en avant» pour exercer un contrôle plus serré des coûts en plus de limiter l'influence du politique.

«J'ai décidé qu'il était terminé le temps où l'on misait sur l'enthousiasme et sur les bouts de route pour gagner des élections, a-t-il dit dans son discours. Ce syndrome du kodak, surtout quand la période électorale approche.»

Cette agence, qui se verrait confier les mandats de gestion et de réalisation des infrastructures routières, de «l'appel d'offres jusqu'à la coupure du ruban», serait «indépendante» du ministère des Transports, a assuré M. Gaudreault.

Le transfert de ces responsabilités signifierait cependant que près de 90 % des quelque 6500 employés actuels du ministère des Transports (MTQ) seraient transférés vers l'Agence des infrastructures du transport.

Cela ne signifierait pas la disparition du ministère, selon M. Gaudreault, dont la mission serait de déterminer les «grandes orientations en matière de transport» pour la province.

Par ailleurs, cette agence ne serait pas soumise à la Loi sur la fonction publique, ce qui lui procurerait davantage de souplesse pour l'embauche et la rémunération des employés.

«L'agence va pouvoir concurrencer les conditions de travail du secteur privé, a souligné M. Gaudreault. Cela va augmenter notre capacité à attirer des employés en plus de les maintenir dans l'administration publique.»

Malgré une certaine indépendance, cette agence demeurerait imputable auprès du MTQ, du gouvernement ainsi que de l'Assemblée nationale, a expliqué M. Gaudreault.

«Elle devra notamment déposer son plan stratégique annuel de gestion, a-t-il souligné. Le vérificateur général aura la charge de vérifier les comptes de l'agence annuellement et à chaque fois que le gouvernement le jugera nécessaire.»

C'est un conseil d'administration pouvant atteindre 13 membres, choisis sur la base de compétences très strictes, selon M. Gaudreault, qui sera chargé de diriger l'agence.

«Le C.A. sera formé de deux tiers de membres indépendants, de représentants de l'Ordre des ingénieurs du Québec et de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec», a dit M. Gaudreault.

Ce dernier a réitéré sa confiance envers les conseils d'administration indépendants, même si certains, comme celui du CHUM et de Tourisme Montréal, ont défrayé la manchette pour les mauvaises raisons récemment.

«Il peut y avoir eu des dérives malheureuses, je suis le premier à le dénoncer, affirmé le ministre, après son allocution. Inspirons-nous de cette histoire récente pour faire mieux et se donner des balises.»

En dépit d'un processus de sélection plus «strict» des membres du conseil d'administration, c'est quand même le conseil des ministres qui donnerait son aval à la nomination de son président-directeur général, a reconnu M. Gaudreault.

Cette disposition inquiète particulièrement le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, qui a manifesté devant l'hôtel dans lequel M. Gaudreault a prononcé son allocution.

«Les conseils d'administration sont composés de nominations et si on regarde au Parti libéral du Québec (PLQ), il y en a eu des centaines sous ce règne, a souligné la deuxième vice-présidente du syndicat, Denise Boileau, en entrevue. Le Parti québécois a aussi commencé à en faire.»

L'avenir du projet de loi 68 est toutefois incertain puisque le gouvernement Marois, minoritaire, aura besoin de l'appui du PLQ ou de la Coalition avenir Québec - déjà contre l'initiative - afin qu'il soit adopté.

Cette situation à l'Assemblée nationale n'a cependant pas semblé déranger le ministre des Transports.

«Si on fait un vote un jour pair, je pense que la CAQ va voter avec nous, a laissé tomber M. Gaudreault. Du côté du PLQ, je n'ai pas entendu de position aussi ferme (que celle de la CAQ). Je pense que du côté des libéraux ce n'est pas perdu.»

Les libéraux ne ferment pas la porte à ce projet de loi, mais ils estiment qu'il faudra étudier plusieurs dispositions en commission parlementaire, a expliqué leur porte-parole en matière de transports, David Heurtel.

«Il faudra démontrer comment les coûts seront contrôlés et comment l'ajout d'une structure additionnelle va créer un avantage en ce qui a trait à la rigueur financière», a-t-il dit lors d'un entretien.