Québec solidaire (QS) soupçonne le gouvernement du Parti québécois de tarder à resserrer la loi anti-briseurs de grève pour préserver les intérêts du patron de Québecor, Pierre Karl Péladeau, qui gravite dans les officines du pouvoir depuis sa nomination à Hydro-Québec.

Le député de QS Amir Khadir souhaite que la ministre du Travail, Agnès Maltais, profite du dépôt d'un projet de loi par son parti pour dissiper les apparences de conflits d'intérêts.

«C'est sûr qu'il y a une forte apparence, a-t-il dit en point de presse. Donc, on dit à Mme Maltais: »Voilà une occasion de dissiper ce genre d'apparence«.»

M. Khadir a rappelé que lorsqu'il était président et chef de la direction de Québecor, M. Péladeau a mis plusieurs de ses entreprises en lock-out et qu'il a profité des faiblesses dans la loi anti-briseurs de grève pour maintenir ses activités, notamment au «Journal de Montréal», où le conflit a perduré.

«Québecor est le champion toutes catégories des lock-outs, a-t-il dit. Une des raisons facilitatrices des lock-outs, c'est parce que bien des entrepreneurs et des chefs d'entreprise s'aperçoivent qu'ils peuvent faire faire le travail à l'extérieur.»

La députée de QS Françoise David a présenté mercredi un projet de loi pour moderniser les dispositions relatives aux briseurs de grève et modifier le Code du travail.

Le projet de loi 498, qui ne compte qu'un article, interdirait aux employeurs dont l'entreprise est en lock-out ou en grève de recourir à des travailleurs remplaçants qui sont situés au-delà du lieu physique de travail.

M. Khadir a affirmé que dans sa forme actuelle, les dispositions anti-briseurs de grève nuisent au rapport de force des travailleurs, ce qui nécessite de les resserrer.

M. Péladeau, nommé président du conseil d'administration d'Hydro-Québec au printemps, participe aussi aux activités d'un sous-comité restreint du conseil des ministres qui planche sur la stratégie d'électrification des transports du gouvernement.

En février 2011, dans le cadre d'une commission parlementaire examinant l'opportunité de resserrer les dispositions sur les briseurs de grève, M. Péladeau s'y était opposé en soutenant que cela pourrait avoir des conséquences graves pour l'économie québécoise.

Lors d'une point de presse mercredi, Mme Maltais a déclaré qu'elle avait donné un mandat à son équipe, en mars 2013, pour préparer des propositions législatives visant à resserrer les dispositions anti-briseurs de grève dans le Code du travail, comme promis durant la dernière campagne électorale.

Avant même d'avoir présenté quoi que ce soit, Mme Maltais a d'emblée accusé les partis de l'opposition de vouloir bloquer toute tentative qui irait en ce sens.

«On est un gouvernement minoritaire et j'ai devant moi deux partis, le Parti libéral et la CAQ, qui ont régulièrement tenu des propos anti-travailleurs et en qui je n'ai aucune confiance, a-t-elle dit. Avant d'ouvrir le Code du travail avec deux partis qui jusqu'ici n'ont montré aucun respect pour les travailleurs, on va y réfléchir, mais je suis en train de préparer des propositions.»

Mme David s'est moquée des prétextes invoqués par Mme Maltais pour ne pas agir dans ce dossier.

«C'est trop facile, a-t-elle dit. Est-ce que là, à chaque fois qu'il y a un projet de loi risquant d'être conflictuel, risquant de susciter de grandes discussions à l'Assemblée nationale, on va se priver de déposer ce projet de loi et d'en débattre?»

En 2010, alors qu'il était dans l'opposition, le député péquiste Guy Leclair avait déposé un projet de loi proposant uniquement de resserrer les dispositions anti-briseurs de grève.

Si elle était dans un gouvernement majoritaire, Mme Maltais affirme qu'elle présenterait de nouveau cette proposition, mais ces modifications s'inscriraient dans le cadre d'une refonte plus large du Code du travail.

«Oui, je déposerais un projet de loi, je suis en train d'ailleurs de faire faire des travaux, il serait peut-être plus vaste, tant qu'à ouvrir le Code du travail», a-t-elle dit.

Sa prédécesseure libérale, Lise Thériault, se disait ouverte à des modifications, mais elle situait elle aussi ce projet dans le cadre d'une refonte plus large.

Les jeunes libéraux avaient adopté, en août 2010, une résolution pour la modernisation de cet article du Code du travail portant sur les travailleurs remplaçants.

Après avoir quitté au printemps ses fonctions de président et chef de la direction, M. Péladeau est demeuré actionnaire de contrôle de Québecor, propriétaire notamment du réseau de télévision TVA et de deux quotidiens à Montréal et Québec.