Québec solidaire demande aux péquistes Daniel Breton, Scott McKay et Martine Ouellet de «mettre leur siège en jeu» pour bloquer si possible l'oléoduc Enbridge 9B, qui acheminera du pétrole de l'Ouest aux raffineries québécoises.

«Le moment de vérité est venu pour les députés écologistes du Parti québécois, lance le solidaire Amir Khadir. Il y a un minimum de respect à avoir pour soi-même et ses idées.»

Il rappelle qu'aucun environnementaliste ne défend ce projet, pour lequel le Parti québécois (PQ), le Parti libéral (PLQ) et la Coalition avenir Québec (CAQ) ont un préjugé favorable.

Enbridge avait annoncé ses intentions l'année dernière. Daniel Breton, qui était alors ministre de l'Environnement, avait laissé entendre qu'il voulait bloquer le projet. Peu après, il devait accompagner son collègue Alexandre Cloutier, ministre des Affaires intergouvernementales, dans un point de presse pour corriger le tir. Il précisait alors que sa réflexion ne portait «pas sur les moyens de bloquer».

M. Khadir rappelle que Québec pourrait aussi réclamer des redevances à Enbridge. C'est ce que la Colombie-Britannique demandait récemment pour le projet Northern Gateway. Elle a finalement refusé ce projet, rappelle-t-il.

Projet de compétence fédérale, pas de BAPE

L'inversion de l'oléoduc est de compétence fédérale. C'est donc l'Office national de l'énergie (ONÉ) qui l'examine. Il a donné une liberté de parole limitée aux environnementalistes. Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) ne se penche pas sur le projet. Une commission parlementaire fait ce travail jusqu'au 6 décembre. Le gouvernement péquiste décidera ensuite s'il donne son appui moral.

Québec n'a pas le pouvoir de le bloquer. Si l'oléoduc achemine du pétrole lourd, les raffineries montréalaises devraient toutefois modifier leurs installations. Pour ce faire, elles auraient besoin d'un permis du ministère de l'Environnement. Un BAPE pourrait même être nécessaire. Ce serait la seule façon pour Québec de mettre des bâtons dans les roues de la société albertaine.

Zakaib veut protéger une industrie «fragilisée» 

Élaine Zakaib, ministre du Développement économique, est la principale intervenante du gouvernement lors des travaux de la commission parlementaire. Le ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet, ainsi que deux autres ministres y participeront.

Mme Zakaib a donné les critères du gouvernement: l'économie et la sécurité. Pour l'économie, elle explique que la filière pétrolière québécoise regroupe 1600 établissements, 51 000 employés et une masse salariale. Mais elle n'a pas été capable de chiffrer le nombre de ces employés et entreprises qui seraient menacés si le projet d'Enbridge avortait. «Est-ce qu'on laisse la filière se fragiliser encore plus, ou on la soutient?», a-t-elle dit, en référant à la fermeture de la raffinerie Shell dans Montréal-Est.

Elle veut aussi obtenir l'assurance que le projet ne mettra pas en péril la sécurité des citoyens qui habitent près de l'oléoduc, et que l'on contrôlera les risques de fuite ou déversement. Le ministre Blanchet a déjà annoncé que Québec fera une contre-expertise du rapport sur l'équipement et les risques d'Enbridge.  

L'augmentation des gaz à effet de serre, par la demande générée dans l'Ouest et le traitement du pétrole dans les raffineries montréalaises, n'est toutefois pas une préoccupation du gouvernement péquiste. Le ministre Blanchet a déjà rappelé que grâce au marché du carbone, les émissions des raffineries seront plafonnées. Si elles ne respectent pas ces cibles, elles devront financer le fonds vert, qui financera des initiatives pour réduire les gaz à effet de serre.

Enbridge promet de payer pour tous les dégâts

Enbridge promet «d'indemniser pleinement» les Québécois en cas de fuite ou déversement. «Il n'y a aucune limite de responsabilité pour la prévention, la remise en état et le nettoyage d'hydrocarbures», a assuré son directeur en affaires publiques, Éric Prud'Homme. Cette responsabilité couvre à la fois les dommages à l'environnement et aux biens.

Enbridge a toutefois déjà refusé de mettre en place un fonds de prévoyance.

La société albertaine est responsable du plus grand déversement en sol de l'histoire des États-Unis. En 2010, plus de 3 millions de litres s'étaient déversés dans la rivière Kalamazoo, au Michigan. La première alarme avait été ignorée. On avait même augmenté la pression à deux reprises.

«Nous ne sommes plus en 2010», a dit M. Prud'Homme aux élus québécois. Il explique qu'un «grand nombre de modifications» ont été apportées depuis.   

Cette catastrophe «nous a rendus très humbles», ajoute le porte-parole d'Enbridge. Près d'un milliard ont été investis «dans la gestion d'intégrité des opérations», dit-il. Le «facteur humain» a été réduit autant que possible. Un ordinateur prendrait une décision en moins de 10 minutes. Si nécessaire, les valves se fermeraient automatiquement en trois minutes, ajoute M. Prud'Homme. Dans le doute, on ferme maintenant les opérations, insiste-t-il

L'oléoduc qui a coulé au Michigan et la ligne 9B au Québec datent de 40 ans et son construits de la même façon (tuyau d'acier de 30 po de diamètre enrobé d'un ruban de polypropylène). À ceux qui s'inquiètent de l'usure, M. Prud'Homme explique qu'il n'y aurait «pas de corrélation» entre l'âge d'un oléoduc et le risque d'accident. Il n'y a pas non plus de preuve, soutient-il, que le pétrole lourd rendrait l'oléoduc plus susceptible à la corrosion.

Le débit augmenterait de 240 000 à 300 000 litres par jour. Enbridge promet d'installer de «nouveaux outils de détection de fuites». L'augmentation du débit ne serait «pas un facteur important» dans les risques de corrosion, dit la société.

Aucune nouvelle canalisation ne serait installée», ajoute M. Prud'Homme. «Le projet n'entraînerait aucune perturbation planifiée du sol le long de l'emprise du pipeline.»

Enbridge a déjà réalisé 300 excavations pour la ligne 9B. La ministre Zakaib a demandé à les voir. La société n'a pas voulu s'y engager. Ces informations seront données à l'ONÉ, a-t-on simplement répondu. 

Les libéraux veulent plus de transparence

L'oléoduc 9B reviendrait à son sens original. En 1997, Enbridge l'avait inversé à cause des importations importantes de pétrole en Afrique et au Moyen-Orient. Avec le développement des gisements albertains et du Dakota-du-Nord, Enbridge veut maintenant la ramener à son sens original.

À l'époque, le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard avait plaidé sa cause devant l'Office national de l'énergie, rappellent les libéraux. Le libéral Gerry Sklavounos reproche au gouvernement Marois de ne pas avoir fait ce travail cette fois.

Il lui demande aussi de rendre publiques les études réalisées sur ce projet conjointement par le Québec et l'Alberta.

M. Sklavounos propose aussi de mettre en place un comité de vigilance sur la sécurité de l'oléoduc. Enbridge n'a pas montré d'ouverture à cet égard. L'ONÉ s'en charge déjà, plaide-t-on.

La CAQ espère que l'oléoduc permettra de baisser le prix à la pompe pour les automobilistes québécois.

La CAQ espère que l'oléoduc permettra de baisser le prix à la pompe pour les automobilistes québécois. «Enbridge transporte et distribue de l'énergie. C'est une question qui est plus dans les mains des raffineurs, et non des transporteurs», a répondu M. Prud'Homme.