Si la Coalition avenir Québec (CAQ) s'est distancié des propos de l'avocat Jean Allaire, qui croit que son parti devrait avoir une position beaucoup plus ferme sur le port de signes religieux ostentatoires, certains députés caquistes ont déjà pris des positions bien plus proches du projet du gouvernement Marois.

Le député de Chauveau, Gérard Deltell, qui a désavoué sans appel la position de Me Allaire, soutient que le compromis choisi par la CAQ «repose sur le consensus de Bouchard-Taylor». «On va même un peu plus loin», a affirmé M. Deltell. Me Allaire a affirmé se reconnaître davantage dans la proposition de Bernard Drainville que dans la position de son parti, inspirée de la commission Bouchard-Taylor. La CAQ souhaite limiter l'interdiction du port de signes religieux aux juges, aux avocats de la Couronne, aux policiers - comme le préconisait Bouchard-Taylor. Elle ajoute à cette liste les directeurs d'école et les enseignants.

Or, en décembre 2009, plusieurs mois après la publication du fameux rapport sur les accommodements raisonnables, le même Gérard Deltell, en tant que chef de l'Action démocratique du Québec (ADQ), avait une position dans le droit fil de la proposition de Bernard Drainville.

«Tout signe religieux ostentatoire ne devrait pas être autorisé dans l'espace public», déclarait M. Deltell. Il commentait un incident impliquant un client de la Régie de l'assurance maladie qui avait refusé d'être servi par une fonctionnaire portant le voile. Trois mois plus tard, M. Deltell indiquait que le fait de limiter l'interdiction à certains fonctionnaires «serait un premier pas, mais encore trop timide». Selon lui, l'heure était venue «d'instituer un État véritablement laïque au Québec».

«Franchement, je ne me souviens pas de ça. Il y a un bon bout de temps», s'est défendu M. Deltell, hier.

Neutralité visible

L'actuel chef de cabinet de Gérard Deltell, Benoit Charette, était à la même époque député péquiste et responsable des communautés culturelles. Déjà, en 2009, il indiquait qu'une charte de la laïcité était en préparation et que le PQ comptait préciser sa position sur la question à son congrès du printemps 2011.

M. Charette souhaitait alors que la neutralité visible des aspirants fonctionnaires «compte parmi les conditions d'embauche» dans la fonction publique. M. Charrette servait les mêmes arguments utilisés récemment par le ministre Bernard Drainville. «Je serais surpris que plusieurs personnes choisissent de démissionner ou refusent d'être embauchées pour cette raison [le port de signes religieux ostentatoires]», disait-il.

Sylvie Roy, députée caquiste, avait une opinion différente de celle de son parti actuel quand elle était une vedette de l'ADQ. Dans le débat sur le projet de loi 94, un an avant l'apparition de la CAQ, la députée de Lotbinière soutenait à l'Assemblée nationale que «la fonction publique, ce sont les employés de l'État, qui représentent l'État, qui sont l'image de l'État qui se dit laïque». Les fonctionnaires «devraient exprimer cette laïcité-là, parce que c'est la première image, c'est le contact du public avec la fonction publique», affirmait-elle.

En février 2010 elle en ajoutait une couche. «Si la Royal Air Maroc est capable d'interdire le voile à ses hôtesses de l'air, je crois qu'on ne devrait pas avoir peur des choses et pouvoir interdire tout signe religieux ostentatoire dans la fonction publique québécoise.»