Le projet de loi 60 sur la charte des valeurs est une attaque «frontale» contre les droits et libertés de tous les Québécois, a affirmé le chef libéral Philippe Couillard, jeudi.

Opposé à l'interdiction du port des signes religieux dans le secteur public, le leader du PLQ a indiqué qu'il ne se rendra «jamais complice» d'une manoeuvre qui «divise et fracture» la société québécoise.

Au-delà de quelques points de convergence, comme les services rendus et reçus à visage découvert, l'encadrement des demandes d'accommodement et le principe de la neutralité des institutions de l'État, le chef libéral et candidat dans Outremont ne voit rien de bon dans le projet de loi du ministre Bernard Drainville.

«C'est un jour malheureux pour le Québec aujourd'hui. C'est un jour de rupture profonde avec notre histoire de plus de 400 ans, une histoire d'ouverture, d'accueil puis d'intégration. C'est un projet que je peux déjà qualifier d'impraticable, d'illégal et d'inconstitutionnel», a statué M. Couillard en point de presse.

Il faut s'attendre, a-t-il poursuivi, à une «suite interminable» de procédures judiciaires contre le projet de loi 60. À son avis, la pièce législative a fort peu de chances d'être un jour mise en application.

«Il n'y a aucun fait, aucune étude, aucune démonstration du caractère d'urgence, rien. Ce projet de loi ne repose sur rien, rien de concret. Et je vous indique à l'avance que le caractère légal de ce projet de loi est hautement fragile. Et le premier test des tribunaux pour juger cette question sera justement la démonstration ou non par le gouvernement du caractère urgent de son projet de loi», a argué M. Couillard.

Parmi la longue liste de griefs du chef libéral, figure «la discrimination à l'embauche» que veut, selon lui, instituer le gouvernement du Parti québécois à l'égard des femmes portant le voile.

«Il y a un paradoxe important qui sous-tend le projet de loi. C'est un projet qui prétend préserver les droits en les retirant, qui institue la discrimination à l'embauche dans les services publics, notamment envers les femmes, qui nie l'importance de la représentativité de la population dans les organismes publics. Comme citoyen, je veux voir le reflet de ma société dans les gens qui me servent au nom de l'État», a-t-il souligné.

En scrutant le projet de loi, M. Couillard a trouvé des «incohérences» qui, à ses yeux, minent la crédibilité de la démarche du gouvernement.

«Si on est un aumônier dans un hôpital, on peut continuer à travailler mais si on est un aumônier dans une municipalité ou dans un service pénitentiaire, ce n'est pas la même chose», a-t-il illustré, évoquant également le sort qui attend les religieux oeuvrant auprès des malades.

«Les religieuses catholiques qui donnent des soins palliatifs dans les organismes subventionnés par l'État, est-ce que ces femmes, ces religieuses doivent enlever leurs petits costumes religieux? C'est toujours plus facile quand on parle des autres, des étrangers», a soulevé M. Couillard.

Si le gouvernement de Pauline Marois veut aller en élection sur le thème de sa charte des valeurs, le Parti libéral sera prêt à se lancer dans la mêlée, a prévenu le chef du PLQ.

«On semble être en train d'écrire une histoire où le gouvernement dit qu'il ne peut plus gouverner, qu'il ne peut pas faire passer tel projet ou tel projet. Ce sera à eux de répondre. Si Mme Marois décide de déclencher une élection, qu'elle choisisse son enjeu, qu'elle l'explique à la population, et on sera prêts», a-t-il dit.

La députée de la Coalition avenir Québec (CAQ) Nathalie Roy ne s'est pas avancée sur la proposition législative péquiste, mais elle a soutenu que le gouvernement devra considérer le compromis offert par son parti pour adopter la charte.

Rappelant que la CAQ a déjà suggéré de limiter l'interdiction des signes religieux aux fonctionnaires en position d'autorité, dont les juges et les enseignants, Mme Roy a affirmé que son caucus doit encore examiner le projet de loi 60.

«Avant de négocier quoi que ce soit il aurait été intéressant d'avoir une main tendue, d'avoir une écoute, d'avoir une oreille, on n'a rien eu pour le moment, a-t-elle dit. Je vous dis qu'on a une position équilibrée et on va discuter au caucus de notre stratégie.»

La députée de Québec solidaire Françoise David a déploré que le projet de loi 60 soit plus intransigeant que ne l'était la proposition préliminaire déposée en septembre dernier par M. Drainville.

«Si Mme Marois est sérieuse lorsqu'elle nous parle d'harmonie, qui est le mot clé, semble-t-il, aujourd'hui, eh bien elle va devoir mettre de l'eau dans son vin, elle va devoir écouter les voix qui l'appellent au consensus», a-t-elle dit.