Le ministre des Finances, Nicolas Marceau, prépare les esprits à l'abandon par le gouvernement du Québec du déficit zéro, jusqu'ici la cible pour l'année 2013-2014.

En point de presse hier, M. Marceau a rappelé avoir déjà reconnu que les recettes étaient au-dessous des prévisions. Depuis la rentrée de septembre, il avait à maintes reprises souligné que le déficit zéro était un objectif «incontournable». Il avait plaidé que l'écart découlait d'un ralentissement temporaire à la suite de la grève dans l'industrie de la construction. Il avait aussi expliqué que les citoyens consommaient moins, ce qui réduisait les recettes de la taxe de vente. Autre explication: les Québécois épargnaient davantage, une autre bonne nouvelle, selon lui.

Baisse des revenus

Hier toutefois, le ministre Marceau a baissé les bras. «Les chiffres montrent qu'il y a un effet sur les revenus qui avait déjà débuté lorsque nous sommes arrivés au pouvoir. Et ces effets aux revenus sont encore présents, et la mise à jour que nous allons présenter prochainement va tenir compte de ces effets aux revenus», a-t-il soutenu.

Le produit intérieur brut (PIB), prévu à 1,3%, reste proche de la réalité, mais le PIB nominal, incluant l'inflation, a augmenté moins vite que prévu, et chaque point d'écart sur les prévisions signifie un manque à gagner de 500 millions de dollars pour le Trésor public, indiquent les Comptes publics déposés hier.

Le document révèle que le déficit réel pour l'année 2012-2013 est de 1,6 milliard, au lieu du 1,5 milliard prévu. «L'objectif de déficit a pratiquement été atteint. Le solde n'est que 100 millions de dollars plus élevé que prévu. Il s'agit d'un petit écart de 0,1 point de pourcentage par rapport à un budget consolidé de l'ordre de 90 milliards de dollars», a souligné le ministre Marceau.

L'atteinte de cette cible suppose un effort de 1,5 milliard pour comprimer les dépenses, insiste-t-il. La croissance des dépenses de programmes devait être de 2%, selon le budget de l'an dernier; elle n'aura été que de 1,2%.

Le maintien de l'équilibre ne fait plus partie des objectifs principaux du gouvernement, tels qu'énumérés par M. Marceau, à savoir «le contrôle des dépenses, le contrôle de la dette et l'appui au développement économique».

Critique de l'opposition

En réplique, le critique libéral aux finances, Pierre Paradis a relevé que plus de 200 annonces faites en deux mois cet automne par le gouvernement Marois n'avaient pas été budgétées. «Pour l'année en cours, pour les trois premiers mois de l'année, on nous indique que le gouvernement a largement dépassé, de 40%, ses prévisions de dépenses», a-t-il dit. L'abandon du déficit zéro risque de plomber la cote de crédit du Québec, prévient-il. «Il faut, insiste M. Paradis, contrôler nos dépenses et atteindre l'équilibre budgétaire si on veut convaincre les gens qu'on est des gestionnaires responsables.»

M. Marceau a indiqué que la dette, cette année, sera de 1,9 milliard inférieure aux prévisions, la moitié de cette réduction venant de factures moins élevées que prévu pour les immobilisations. Québec y voit un effet de la lutte à la corruption et à la collusion entre les entrepreneurs. Des chiffres plus précis quant à ces économies seront rendus publics sous peu.

Le ministre Marceau a tourné en ridicule la stratégie de l'opposition libérale et caquiste qui lui a fait parvenir une citation à comparaître pour qu'il vienne témoigner à la commission parlementaire des finances publiques avec les chiffres détaillés des sociétés d'État.

«On nous demande des informations que nous n'avons pas. Ce sont des chiffres qui n'existent pas. Enfin, ça existe pour certains organismes, ça n'existe pas pour d'autres. Maintenant, il y a une Loi sur la gouvernance. Cette Loi sur la gouvernance prévoit que les conseils d'administration des organismes non budgétaires sont imputables», a-t-il expliqué.

Pas de secrets

Ces organismes ont à faire une reddition de comptes deux fois l'an et n'ont pas à rendre des comptes au ministre des Finances. «Il n'y a pas le secret de la Caramilk, là, ce sont des chiffres qu'on est capables d'estimer, qu'on estime plutôt bien chaque année», a ajouté le ministre Marceau.

Selon Stéphane Bédard, président du Conseil du trésor, c'est une opposition «pas de tête» qui peut penser qu'une citation à comparaître est appropriée pour forcer un Parlementaire. «Ça fait 15 ans que je suis dans le Parlement, là, puis j'en ai vu des vertes et des pas mûres. Mais qu'on procède de cette façon-là, on tente, encore une fois par des processus légaux, d'attirer l'attention. Et je suis convaincu que c'est de la diversion. Ils ont moins, beaucoup moins d'empressement par rapport aux révélations sur M. [Tony] Tomassi [le ministre qui avait été forcé de démissionner et qui, depuis, a été accusé d'abus de confiance]!»