Les crimes d'honneur ne doivent pas être tolérés au Québec, a indiqué mercredi le gouvernement Marois en s'engageant à déposer prochainement un plan d'action.

Le but: mieux protéger les jeunes filles de familles immigrantes où les questions d'honneur peuvent se traduire en crimes dont elles feront les frais.

Tout indique que ce plan d'action va inclure une mise à jour de la loi de la protection de la jeunesse, ainsi qu'une meilleure formation offerte aux policiers, pour qu'ils soient mieux outillés lorsqu'ils sont appelés à intervenir dans ce genre de situations.

L'engagement gouvernemental fait suite à l'avis rendu public mercredi par le Conseil du statut de la femme (CSF) et intitulé: «Les crimes d'honneur: de l'indignation à l'action».

Le gouvernement précédent avait commandé au CSF un avis sur la question, en 2011, dans la foulée de l'affaire Shafia, qui impliquait une famille afghane de Montréal décimée par le quadruple meurtre prémédité de trois soeurs âgées de 13 à 19 ans et de la première épouse du père. Or, dans les mois précédant le meurtre, les services sociaux avaient été interpellés au sujet des jeunes victimes de cette famille, sans qu'il y ait eu de suites.

L'avis du CSF recense 17 cas de crimes d'honneur survenus au Canada depuis 1991.

Par crime d'honneur, on entend tout type de violence basée sur l'honneur, que ce soit «le contrôle excessif des adolescentes, les tests de virginité, les mutilations génitales, le mariage forcé, l'incitation au suicide ou, ultimement, le meurtre».

Dans certaines communautés, rapporte le CSF dans son avis - en citant celles provenant de l'Inde, l'Afghanistan, le Pakistan et le Sri Lanka - les hommes ont le devoir de «contrôler socialement et sexuellement les femmes et les filles. Celles-ci sont considérées comme une source potentielle de déshonneur pour les familles».

La ministre déléguée aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse, Véronique Hivon, a dit accueillir avec beaucoup d'intérêt la recommandation du CSF visant une révision de la loi sur la protection de la jeunesse, de même qu'une mise à jour des critères d'intervention de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).

Il s'agit là d'une «recommandation que je vais étudier avec beaucoup, beaucoup de sérieux», a-t-elle dit, en réaction à la publication de l'avis. Elle s'engage à «s'assurer que la loi est toujours à jour et bien adaptée aux réalités».

La dernière réforme de la loi de la protection de la jeunesse date de 2007.

La ministre responsable de la Condition féminine a renchéri: «On va poser des gestes concrets», a promis Agnès Maltais, jugeant elle aussi que les recommandations portant sur la loi de la protection de la jeunesse et visant la DPJ paraissaient particulièrement intéressantes.

Mais cet objectif n'a pas été si bien reçu par le milieu. La directrice de la protection de la jeunesse pour les centres de la famille Batshaw, Madeleine Bérard, a jugé, en entrevue téléphonique, qu'une modification à la loi n'était pas nécessaire.

Elle prône plutôt une meilleure concertation entre la DPJ et les services de santé de première ligne, l'identification de bons outils de dépistage des cas d'abus et un meilleur partenariat entre la DPJ et les organismes communautaires.

«En général, ce sont des jeunes filles qui sont très attachées à leur milieu familial et à leur communauté. Elles ont très peur d'être exclues de cette communauté. Souvent, après voir dévoilé les faits, elles vont nier les faits», d'où la difficulté de présenter une preuve en cour, indique Mme Bérard, qui rappelle aussi que le mandat de la DPJ ne couvre que les jeunes âgés de moins de 18 ans.

Il n'est pas aisé d'intervenir en ce domaine pour protéger les jeunes filles, a convenu elle aussi la ministre Hivon, car la loi prévoit que les parents doivent être inclus dans le processus, étant tenus responsables de leurs enfants.

La police, appelée à intervenir dans des conflits familiaux portant sur des questions d'honneur, doit elle aussi faire un effort d'adaptation à des cultures et des valeurs différentes, a commenté de son côté le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron.

«Les forces policières doivent effectivement s'adapter au caractère de plus en plus multiculturel du Québec, a-t-il dit, et adapter leurs façons de faire en fonction des nouvelles réalités auxquelles le Québec est confronté.»

Parmi les autres recommandations du CSF, on note l'importance de mieux sensibiliser les candidats à l'immigration, «avant leur arrivée au Canada, au fait que les violences liées à l'honneur y sont considérées comme des crimes et que l'égalité entre les hommes et les femmes est une valeur largement partagée par ses citoyens».

L'opposition libérale, qui ne rate jamais une occasion de dénigrer le projet de charte des valeurs du gouvernement, a tenté de tracer un lien entre cette charte et l'avis du CSF, en soutenant que le gouvernement ne s'attaquait pas aux vrais problèmes par sa détermination à interdire le port de signes religieux dans la fonction publique.

«Les vraies cibles sont l'intégrisme et l'extrémisme», selon la députée libérale porte-parole en matière de condition féminine, Maryse Gaudreault.

«Les gens ont peur de l'intégrisme, ils ont peur de l'extrémisme, ils ont peur de la violence», a-t-elle fait valoir en réaction à l'avis.

De son côté, Québec solidaire, par la voix de sa porte-parole Françoise David, a salué la publication de l'avis et son contenu.