Québec ignore combien de fonctionnaires n'interagissent pas avec le public dans leur travail, mais ne pourraient néanmoins pas porter de signes religieux ostentatoires sous la Charte des valeurs québécoises.

Il est possible d'obtenir une telle estimation pour les infirmiers, enseignants et éducateurs de la fonction parapublique. Mais pas pour les quelque 90 000 employés de la fonction publique. Le Secrétariat du Conseil du Trésor ignore, par exemple, combien de téléphonistes qui ne rencontrent jamais les citoyens seraient soumis au devoir de neutralité religieuse, en tant que représentants de l'État. «Pour la grande majorité des classes d'emploi, [...] il est impossible d'estimer le nombre [de fonctionnaires] interagissant régulièrement avec le public», a-t-on répondu à notre demande formulée en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Un exemple de ce problème, explique-t-on au Secrétariat: dans la catégorie des relations médias, certains employés se rendent sur le terrain, alors que d'autres restent dans leur bureau pour préparer les documents. «On peut estimer que la grande majorité des ministères et organismes ont une mission en lien avec le public, à l'exception des organismes centraux comme le Conseil exécutif, le ministère des Finances ou le Conseil du Trésor. On ne peut toutefois comptabiliser la totalité des employés. Il faut exclure la majorité de ceux qui travaillent au niveau des directions de type "soutien administratif" comme les directions des ressources humaines, de l'informatique ou encore les directions financières», précise Jean Auclair, porte-parole du Secrétariat du Conseil du trésor.





Pas un problème, soutient Drainville

Le ministre responsable du projet de charte des valeurs, Bernard Drainville, n'y voit pas de problème. Peu importe le nombre, cela ne change rien au fait qu'il veut protéger un principe. «Et ce principe, c'est que si tu travailles pour l'État, tu dois incarner la neutralité», explique-t-il.

Selon lui, un fonctionnaire qui n'interagit pas avec le public doit être soumis au même devoir de neutralité. Autant par principe que par souci d'éviter les problèmes pratiques. Par exemple, on pourrait demander à un employé qui porte la kippa, le turban ou le hijab de modifier ses tâches durant une journée et d'inter-agir physiquement avec les citoyens. «Il ne faut pas créer deux catégories d'employés, avec les frustrations que cela pourrait générer», résume-t-il.

On ne connaît pas non plus le nombre de fonctionnaires qui portent des signes religieux ostentatoires, ni le nombre de fonctionnaires qui se disent croyants. «Et c'est une très bonne chose, lance M. Drainville. Pour les avoir, il faudrait faire du profilage, ce qu'on ne fera pas.»