La Charte des valeurs québécoises sera plus ferme que le projet initial mis sur la table par Bernard Drainville, mais elle toucherait moins de gens. Un courant très net au sein du gouvernement Marois envisage de soustraire le réseau de la santé aux contraintes entourant le port de signes religieux ostentatoires.

Il y a deux semaines, tout le réseau des établissements de santé a demandé de ne pas être touché par l'interdiction du port de signes religieux - une requête repoussée sur-le-champ par le ministre Réjean Hébert. Dans le domaine de la santé, ces mesures se heurtent à de nombreux obstacles particuliers, a mentionné Diane Lavallée, présidente de l'Association québécoise des établissements de santé.

Le changement ne ferait toutefois pas l'affaire du ministre responsable de l'Identité, Bernard Drainville. Son attaché de presse Manuel Dionne a cité son patron, hier: «Il n'est pas question d'exclure la santé de la Charte.» Mais d'autres sources confient que devant les nombreuses propositions toutes moins contraignantes que la sienne, le gouvernement est à la recherche d'un geste pouvant être perçu comme un compromis, tout en essayant de préserver la cohérence du projet. Des sources fiables indiquent que les ministres Jean-François Lisée (Métropole) et Diane De Courcy (Immigration) sont inquiets de l'accueil que réservera la population au projet de loi.

Le ministre Drainville a rencontré mercredi les comités ministériels de la «prospérité» et de la «solidarité» - plus simplement, les ministres qui s'occupent de l'économie et du secteur social. Il doit soumettre son mémoire définitif au Conseil des ministres le 23 octobre. Le projet de loi devrait tomber dans les jours qui suivent, et la commission parlementaire qui suivra permettra d'adoucir encore un peu les irritants.

Le crucifix décroché

Selon les informations obtenues par La Presse depuis deux semaines, plusieurs décisions touchant la Charte sont désormais prises. Ainsi, le gouvernement Marois sortira le crucifix de l'Assemblée nationale, que ce soit par la loi ou par une simple décision du Bureau de l'Assemblée nationale. De plus, les élus n'auront pas plus le droit que les fonctionnaires de porter des signes religieux ostentatoires.

Par ailleurs, le fameux «droit de retrait», renouvelable tous les cinq ans, sera mis de côté. On conservera une période de transition, non renouvelable, au terme de laquelle les dispositions sur les signes religieux visibles s'appliqueront à l'ensemble des fonctionnaires et des employés du réseau de l'éducation.

La santé

Le fait de ne pas appliquer la Charte au domaine de la santé mettrait de côté un obstacle majeur. Une institution comme l'Hôpital général juif de Montréal, par exemple, aurait posé problème. Dans le secteur de la santé, à la différence du réseau scolaire, beaucoup de situations auraient fait mal paraître le projet gouvernemental. Ainsi, que dire aux infirmières - nombreuses - qui, tout en travaillant dans un hôpital, sont des employées d'agences? De plus, les médecins ne sont pas des «employés» du gouvernement et, à ce titre, ils seraient libres de porter la kippa ou le hijab.

Par ailleurs, relève-t-on dans le réseau, les deux plus importants hôpitaux de Montréal, le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) et le Centre universitaire de santé McGill (CUSM), sont construits en partenariat public-privé. Québec n'a pas de pouvoir sur les milliers d'employés de l'administration ou de l'entretien.

Un sondage récent, mené par l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux auprès de 70 établissements de santé, montrait que pour la moitié d'entre eux, le problème était carrément inexistant. Pour l'autre moitié où l'on trouve des employés susceptibles d'être touchés par la Charte, on n'avait reçu aucune plainte.