Si des élections sont déclenchées cet automne, les partis risquent de faire des promesses bidon qu'ils abandonneront au pouvoir. C'est ce que prévient l'opposition libérale et caquiste, qui demande d'urgence une vérification indépendante des finances publiques, qui accuseraient un retard de deux milliards par rapport aux prévisions.

«Sinon, les cadres financiers des partis seront ni vérifiés, ni vérifiables», dénonce le libéral Pierre Paradis.

«On pourrait se retrouver en élection avec des gens qui vont (promettre) qu'ils peuvent couper les impôts, qu'ils peuvent faire toutes sortes de choses alors que c'est mathématiquement impossible», renchérit le caquiste Christian Dubé.

L'opposition a adopté une motion pour exiger que le vérificateur général évalue la prochaine mise à jour économique, prévue pour les prochaines semaines. Mais le ministre des Finances, Nicolas Marceau, ne dit pas si le vérificateur pourrait déposer ce travail à l'ensemble des élus lors d'une campagne électorale, alors que l'Assemblée nationale ne siège pas.

Le projet Drainville bloqué

La Presse révélait jeudi que le ministre des Institutions démocratiques, Bernard Drainville, voulait créer une nouvelle structure qui vérifierait l'état des finances publiques avant une campagne électorale. Mais selon nos informations, son projet de loi a été bloqué par ses collègues. On ne voulait pas se mettre de bâtons dans les roues à l'aube de possibles élections. Le temps s'écoule maintenant pendant que le gouvernement dit chercher une solution.

«C'est un engagement électoral, de prévoir une manière de mettre en place un mécanisme, une institution pour faire un examen des finances publiques avant les élections. C'est quelque chose sur quoi on travaille, et on entend y donner suite», a assuré le ministre Marceau.

L'opposition reste sceptique. «Si le gouvernement refuse d'avoir une neutralité dans l'information, c'est qu'ils ont des choses à cacher», lance M. Dubé.

Promesse pour ne pas être manipulé

Dans l'opposition, le Parti québécois proposait, comme la Coalition avenir Québec aujourd'hui, de créer un poste de directeur parlementaire du budget.

Pauline Marois s'en vantait même en février 2012 dans cette vidéo. Une telle mesure permettrait « d'avoir vraiment l'heure juste» et «de ne pas se faire manipuler par un gouvernement qui serait de mauvaise foi», disait-elle.

Évaluer le trou

Comme le veut la coutume, le gouvernement doit présenter une mise à jour économique cet automne. C'est un portrait à mi-chemin des finances publiques, entre deux budgets.

Or, le déficit accumulé cette année s'élèverait à deux milliards. Il sera donc très difficile d'atteindre le déficit zéro tel que promis. Et en vertu de la Loi sur l'équilibre budgétaire, s'il y a un déficit, il faudra le compenser l'année suivante en dégageant une somme équivalente.

Le défi sera d'autant plus colossal pour Québec que selon le dernier budget, il faudra réaliser des économies non identifiées de 430 millions en 2014-15. À cela s'ajoutent des dépenses non budgétées de 600 millions annoncées lundi dans le plan économique péquiste. 

Le résultat, selon le chef parlementaire libéral Jean-Marc Fournier: un «trou» d'environ deux milliards à combler dans le prochain budget. 

Mais il s'agit seulement d'une estimation. Il faudra attendre la mise à jour économique. Et quand on l'obtiendra, les chiffres n'auront pas la même valeur qu'un budget, prévient Pierre Paradis. «La mise à jour est préparée avant tout par le cabinet du ministre. C'est un document plus politique qu'un budget. Ils ne dévoileront pas de faux chiffres, mais ils pourront les présenter comme ils le veulent.» 

La CAQ partage ces inquiétudes. Christian Dubé donne un exemple de problème. Après des décennies de blocage, Ottawa a finalement accepté de rembourser Québec pour l'harmonisation de ses taxes de vente. Des revenus non récurrents de 1,4 milliard sont donc versés cette année. Cette donnée pourrait être noyée dans la mise à jour et fausser les chiffres, soutient-il.

Le problème n'est pas nouveau. En 2008, le premier ministre libéral Jean Charest avait déclenché des élections en se gardant de dévoiler les pertes historiques de la Caisse de dépôt, qui s'élevaient à 40 milliards. Et en arrivant au pouvoir en 2003, les libéraux ont commandé un rapport sur les finances publiques pour identifier un déficit qui aurait été caché. Le gouvernement Charest l'avait évalué à plus de 4 milliards. Il avait utilisé ce chiffre pour renoncer à ses engagements. Un exemple qu'utilisait le Parti québécois dans l'opposition pour créer un poste de directeur parlementaire du budget.