Mauvaise journée, mardi, pour la Coalition avenir Québec (CAQ). D'entrée de jeu, Gérard Deltell, ancien chef de l'Action démocratique du Québec (ADQ) devenu député caquiste, a dû répliquer aux accusations voulant que le financement illégal était chose courante dans l'ex-parti de Mario Dumont. Peu après, Jacques Duchesneau, ex-policier élu comme député caquiste dans Saint-Jérôme, est venu expliquer ses allégations à l'endroit d'André Boisclair - des propos qui lui vaudront une poursuite en diffamation. Finalement, la CAQ a dû rajuster le tir: elle a décidé de payer les frais d'avocats de Jacques Duchesneau et de son chef François Legault si, en bout de piste, André Boisclair l'emporte dans sa cause en diffamation.

Les «prête-noms» à l'ADQ

Il l'a déjà dit il y a cinq mois, mais l'entrepreneur Lino Zambito a ajouté des détails: le mécanisme illégal des prête-noms était monnaie courante à l'ADQ avant les élections de 2008, quand Leo Housakos, désormais sénateur, était responsable du financement du parti.

Hier, le député de Chauveau, Gérard Deltell, a assuré que son parti remboursera toute somme acquise par l'entremise de prête-noms - de l'argent venu souvent de firmes d'ingénieurs, dont les employés se font rembourser leur contribution par leur employeur. Le parti de François Legault proposera d'ailleurs aujourd'hui une motion pour que les pouvoirs du Directeur général des élections (DGE) s'étendent à toute la période couverte par le mandat de la commission Charbonneau, c'est-à-dire de 1998 à aujourd'hui, soit au-delà du délai de prescription de cinq ans qui bride actuellement l'action du DGE.

Le député Deltell affirme «ne pas être tombé des nues» devant les déclarations de Lino Zambito, qui a levé le voile sur un système de prête-noms dans le financement de l'ADQ. «Cela ne veut pas dire que je ne suis pas choqué", a ajouté M. Deltell. «C'est le genre de choses qu'on ne peut accepter, si par malheur c'est survenu, nous assumerons nos responsabilités», a dit l'ancien chef adéquiste.

Dans sa motion, la CAQ demandera que tous les partis s'engagent à rembourser ce qui a été versé illégalement de 1998 à aujourd'hui.

Le DGE estimait que des contributions de 7 millions au Parti libéral du Québec, de 2 millions au Parti québécois et de 800 000$ à l'ADQ provenaient de firmes de professionnels, susceptibles de donner prise au système de prête-noms.

Duchesneau «sans malice»

Le député caquiste Jacques Duchesneau affirme ne pas avoir voulu entacher la réputation d'André Boisclair la semaine dernière. Il s'est toutefois bien gardé de parler de nouveau de la consommation de cocaïne de l'ancien ministre péquiste. Lisant une déclaration écrite, sans répondre à des questions, l'ancien policier a soutenu avoir agi «sans intentions malicieuses» la semaine dernière. Rappelons qu'il a établi publiquement un lien entre la consommation illicite de l'ex-ministre et une subvention à un entrepreneur qui collaborait avec les Hells Angels.

Dimanche, M. Boisclair a annoncé son intention de poursuivre M. Duchesneau, son chef François Legault et la Coalition avenir Québec. Il a soutenu sans appel n'avoir jamais eu de "dette" envers le crime organisé.

Selon M. Duchesneau, au-delà de la querelle judiciaire, «une question reste en suspens». «L'attribution d'un contrat à quatre jours d'une élection est contestable, troublante et mérite d'être débattue. Que pense le gouvernement de la décision d'André Boisclair d'accorder une subvention de 2,6 millions à la veille d'une élection?», a lancé l'ex-policier.

«Je revendique le droit de poser des questions, c'est mon devoir de le faire comme critique en matière d'intégrité. C'est ce que j'ai fait, soulever des questions qui me semblaient légitimes. Mon intention n'est ni malicieuse ni empreinte de mauvaise foi», a-t-il insisté.

Selon M. Duchesneau, «l'objectif n'est pas de ternir la réputation d'André Boisclair ou de qui que ce soit». «Dans ma vie, je me suis donné comme règle de ne jamais attaquer les individus, mais de critiquer les idées. De bonne foi, je considère que les informations portées à la connaissance de tous justifient que je soulève ces questionnements. Je pense qu'il s'agit d'interrogations légitimes. Je suis désolé si certains ont pu en être offensés. Je pense que les citoyens ont le droit d'aller au fond des choses», a-t-il dit.

La CAQ paiera les frais d'avocat si elle perd

Mise sur la sellette, la CAQ a décidé hier de payer les frais d'avocat et les dommages si elle - ou ses représentants - perd en cour dans la cause que veut déposer l'ancien ministre André Boisclair.

La veille, le chef François Legault avait pourtant indiqué que les frais seraient assumés par l'Assemblée nationale, puisqu'il était, comme son député Duchesneau, visé par des poursuites dans l'exercice de ses fonctions. Hier, le porte-parole de la CAQ, Jean-François Del Torchio, a corrigé le tir. Il a été décidé que si les députés caquistes étaient reconnus coupables de diffamation, le parti payerait la note pour les avocats et les dommages, si telle était la conclusion du juge.

Dans le cas d'un règlement à l'amiable - courant dans ce type de cause -, ce sont les fonds publics qui épongeront la facture de MM. Duchesneau et Legault. Pour la CAQ, la décision de payer ne sera prise qu'au moment où un jugement tombera - ce qui pourrait prendre des mois, voire des années.

Le chef parlementaire libéral, Jean-Marc Fournier, n'a pas voulu dire si les libéraux bloqueraient une demande faite au bureau de l'Assemblée nationale pour rembourser les frais d'avocat de François Legault et Jacques Duchesneau. Il demande plutôt aux caquistes de renoncer à faire une telle demande.

-Avec Paul Journet