L'expulsion de la députée montréalaise Maria Mourani du Bloc québécois a causé une onde de choc dans les rangs souverainistes, jeudi. Plusieurs, dont des militants issus des minorités culturelles, critiquent ouvertement la décision du chef bloquiste Daniel Paillé et le projet de charte des valeurs québécoises du gouvernement Marois.

Invité à commenter l'expulsion de la députée d'Ahuntsic, Mohamedali Jetha n'a pas hésité à lancer: «Je trouve que c'est dégueulasse!»

Ce militant souverainiste de longue date, deux fois candidat du Bloc québécois dans la circonscription de Laval-Les Îles, est tout aussi critique sur la Charte des valeurs québécoise proposée par le gouvernement Marois. Si bien qu'il reconsidère son adhésion aux deux partis souverainistes.

«Je sens aujourd'hui que tous les efforts que j'ai faits pendant toutes ces années, c'est perdu dans l'océan. Ça n'existe plus», a déploré M. Jetha, qui est né au Burundi et qui a grandi au Congo.

Chérif N'Doye fulmine lui aussi. Le Québécois d'origine sénégalaise milite au sein du Bloc depuis 20 ans. Il a notamment siégé à la commission de la citoyenneté du parti. Comme M. Jetha, il craint que le débat lancé par le gouvernement péquiste fasse fuir les membres des communautés culturelles, que le mouvement souverainiste tente d'attirer depuis longtemps.

«Le chef du Bloc n'a pas été élu comme député. Elle [Maria Mourani], elle a été élue comme députée, a-t-il renchéri. Le problème du PQ, ce n'est pas le problème du Bloc.»

Plusieurs autres ont réagi: Bernard Landry a qualifié «d'erreur» l'expulsion de Mme Mourani. Deux membres d'une association de circonscription du Saguenay ont claqué la porte pour protester. Et en soirée, un projet de pétition était même en gestation au sein du mouvement pour exhorter le chef du Bloc québécois à revenir sur sa décision.

Du «nationalisme ethnique»

Le chef bloquiste, Daniel Paillé, estime que Mme Mourani est allée trop loin dans ses critiques de la charte, surtout lorsqu'elle a associé la position du gouvernement Marois à du «nationalisme ethnique» lors d'entrevues télévisées.

«Maria Mourani comme Québécoise exprimant son opinion, aucun problème. Maria Mourani, députée du Bloc québécois, porte-parole d'un groupe... Là, on a un problème», a-t-il tranché.

La députée d'Ahuntsic n'a pas encore réagi. Elle doit le faire aujourd'hui. Catholique affirmée, elle a cosigné une lettre ouverte avec le groupe des Indépendantistes pour une laïcité inclusive mercredi. Ils se disent inquiets d'une «instrumentalisation» discriminatoire du principe de la laïcité de l'État à des fins électoralistes, et qui aura pour effet d'éloigner les membres des communautés culturelles du mouvement souverainiste.

L'un des membres du collectif, Jocelyn Desjardins, est le fondateur du Nouveau Mouvement pour le Québec. Il dit avoir été contacté par plusieurs partisans de l'indépendance qui remettaient en question leur appartenance au PQ en raison du projet de charte. «Ça initie un cycle de mouvement et de dispersion dans le mouvement indépendantiste», a dit M. Desjardins.

Photo: Ivanoh Demers, archives La Presse

Daniel Paillé, chef du Bloc québécois.