Le chef libéral Philippe Couillard agit de façon prématurée en menaçant de bloquer les propositions péquistes en matière de laïcité à moins de concessions sur le port des signes religieux dans la fonction publique, a déclaré jeudi le ministre responsable des Institutions démocratiques, Bernard Drainville.

M. Drainville a rejeté la proposition du chef libéral, qui serait favorable à un projet de loi se concentrant sur les éléments qui feraient consensus, soit la neutralité religieuse de l'État, les balises sur les accommodements et l'obligation d'avoir le visage découvert lors de la prestation de services publics.

Lors d'une entrevue, deux jours après la présentation de ses propositions, M. Drainville a affirmé que le projet de charte des valeurs du gouvernement doit être considéré comme un tout et qu'il est trop tôt pour envisager de le scinder.

«C'est prématuré, a-t-il dit. Ça fait à peine 72 heures que le projet a été déposé et il veut déjà soustraire une partie du projet du débat public. Voyons donc, on est en démocratie, laissons les citoyens se prononcer, je l'invite à respecter ça bien respectueusement.»

Le ministre a aussi invité M. Couillard à ne pas utiliser la mémoire de l'ancien premier ministre René Lévesque, que le chef libéral a évoquée cette semaine pour critiquer ses adversaires.

«Je ne crois pas que ça soit utile d'essayer de faire du millage politique sur la mémoire de René Lévesque», a-t-il dit.

Mercredi, en demandant la scission de la proposition péquiste, M. Couillard avait affirmé que ce projet allait à l'encontre des idéaux de démocratie et d'ouverture de M. Lévesque. Le chef libéral a affirmé que son caucus n'appuiera pas le projet du PQ à moins d'écarter l'interdiction du port de signes religieux dans la fonction publique.

Alors que le caucus du Bloc québécois est secoué par le débat suscité par les propositions du PQ, M. Drainville a refusé de commenter l'expulsion de la députée bloquiste Maria Mourani, pour qui le projet de charte va trop loin et risque de nuire au mouvement souverainiste chez les communautés culturelles.

L'interdiction de porter des signes religieux dans la fonction publique a aussi suscité une levée de boucliers des 15 maires de municipalités de Montréal, qui ont résolu de demander une exemption temporaire si jamais le projet du gouvernement péquiste est adopté.

M. Drainville a rappelé que la clause de retrait prévue pour les municipalités, cégeps, universités et hôpitaux est une disposition transitoire.

«Dans notre esprit, ça doit donner du temps pour faire la transition vers un service public, des institutions publiques qui sont neutres sur le plan religieux y compris pour le personnel qui travaille au sein de ces services et de ces institutions publiques», a-t-il dit.

M. Drainville a relativisé cette unanimité contre le projet qu'il porte en soutenant que les élus montréalais sont en campagne électorale.

Néanmoins, le ministre a montré son ouverture à améliorer ses propositions d'ici au dépôt, attendu cet automne, d'un projet de loi qui développera ces orientations.

«L'opinion des citoyens sur la clause de retrait va être très importante et c'est à partir des avis que nous recevons, du débat des prochaines semaines, qu'on va faire les ajustements finaux si nécessaire au projet de loi», a-t-il dit.

«On sait que c'est une mécanique qui est assez audacieuse et on veut impliquer les municipalités, les cégeps, les universités et les hôpitaux dans la mise en oeuvre de la neutralité religieuse, c'est une responsabilité partagée. La neutralité religieuse c'est un choix de société, pas seulement un choix de gouvernement.»