Après deux semaines à laisser la population commenter les fuites de son projet de valeurs québécoises sans infirmer les informations véhiculées, le gouvernement péquiste déposera finalement les intentions de son projet de charte des valeurs québécoises.

Il en fera l'annonce peu avant la rentrée parlementaire, le 9 septembre. La nouvelle a été confirmée à La Presse par une source proche du dossier.

La première ministre Pauline Marois a assuré hier que sa proposition va «faciliter la liberté et la diversité de religion», bien qu'elle semble vouloir interdire le port de signes religieux ostensibles aux employés de la fonction publique et parapublique.

Mme Marois serait-elle à l'aise de travailler avec une fonctionnaire qui porte le hijab? «Je n'ai pas à donner mon opinion sur cette question. Ce que je dis, c'est que l'État doit être neutre. Nous croyons que ça facilite le bien-vivre ensemble», a-t-elle répondu.

Aucun cas récent d'intolérance n'a été signalé, mais le ministre de la Métropole Jean-François Lisée a tout de même voulu lancer un appel au calme. En attendant qu'une charte des «valeurs québécoises» soit adoptée, le port des signes religieux est permis dans la fonction publique.

Au caucus de pré-session du PQ en Gaspésie, il a insisté sur le «respect que les Québécois doivent avoir dans ce débat, en particulier envers nos concitoyens qui portent des signes religieux dans la société et dans les services publics».

Pourquoi lancer ce message aujourd'hui? «Il n'y a pas de cas ou de raisons particulières, mais j'aime mieux faire de la prévention», a-t-il répondu.

Peu avant, il s'était désolé d'une «tradition qui continue»: le sport national, selon lui, du "Québec-bashing". Il faisait référence aux critiques des médias du reste du Canada ainsi qu'à la plus récente salve du chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, contre le projet de charte des valeurs québécoises.

Mercredi à l'Île-du-Prince-Édouard, pour célébrer le 50e anniversaire du plus célèbre discours de Martin Luther King, M. Trudeau a fait un lien indirect entre les anciens États américains ségrégationnistes et le projet de charte péquiste.

Le ministre des Institutions démocratiques et responsable du projet de charte, Bernard Drainville, a critiqué le ton, sans vouloir jeter les gants. «On n'est pas obligé d'être d'accord, mais on devrait être capable de se parler sans se lancer de gros mots ou s'invectiver», a-t-il dit.

Legault pose ses conditions

Le chef de la CAQ, François Legault, a de son côté posé ses conditions. Sur le fond, il se dit plutôt en accord avec le gouvernement péquiste et croit que l'adoption d'une charte pourrait se faire rapidement. «On veut interdire tous les accommodements qui contreviennent à l'égalité hommes-femmes, qui créent des coûts ou des problèmes d'organisation», a déclaré M. Legault.

Mais pour appuyer un projet de loi, M. Legault exigera des compromis sur la question de l'interdiction des signes religieux pour les employés de l'État. La CAQ croit que ces interdictions devraient se limiter aux personnes en autorité, c'est-à-dire les policiers, les juges, les gardiens de prison et les enseignants du primaire et du secondaire.

Couillard ferme la porte

Philippe Couillard a tranché: le Parti libéral maintient sa position et n'appuiera pas l'idée d'interdire le port de signes religieux à certains employés de l'État.

Le chef libéral ferme ainsi une porte que son propre entourage et l'un de ses députés avaient ouverte mercredi. Deux sources proches de M. Couillard avaient affirmé à La Presse que le PLQ allait adopter une position qui «se rapproche de la recommandation de Bouchard-Taylor». La commission recommandait d'interdire le port de signes religieux à ceux qui incarnent l'autorité de l'État: les policiers, les juges, les procureurs de la Couronne et les gardiens de prison. De son côté, le député Pierre Paradis disait que la position de son parti "évolue", ouvrant la porte à l'idée d'interdire le port de signes religieux à certains agents de l'État.

Mais le chef Philippe Couillard l'a refermée à double tour, hier, en marge d'une réunion de son caucus à Rivière-du-Loup. «Notre position sur les signes religieux ne change pas. C'est celle qui est dans le projet de loi 94», a-t-il affirmé.

Ce projet de loi déposé par le gouvernement Charest n'a jamais été adopté. Il prévoyait que les employés et les usagers des services publics aient «le visage découvert lors de la prestation des services», ce qui visait le niqab et la burqa.

«On avait dit que le voile facial ne peut être accepté dans l'échange et la réception de services publics pour des raisons de communication, de sécurité et d'identification. Et je pense que c'est important.»

Ce dossier soulève un malaise dans les rangs libéraux. Plusieurs députés ont esquivé les questions des journalistes sur le sujet.