Bernard Landry condamne les critiques «minables» et la «dérive méprisante» de la presse anglophone du Canada contre la future charte des valeurs québécoises.

Le projet sur lequel planche le ministre responsable des Institutions démocratiques, Bernard Drainville, pour régler la question des accommodements religieux est la cible d'attaques qui ne peuvent s'expliquer que par l'ignorance profonde du Canada anglais des réalités du Québec, a soutenu l'ex-premier ministre et ancien chef du Parti québécois en entrevue mardi à La Presse Canadienne.

Les médias anglophones connaissent à ce point mal le Québec et son histoire qu'ils en font «pitié», a-t-il pesté.

«J'ai pitié de certains journaux anglophones du Canada. C'est enrageant mais c'est tellement minable d'aller dire que le Québec est xénophobe et raciste alors que, depuis le début de notre aventure nationale, nous nous sommes métissés avec les Amérindiens. La majorité d'entre nous avons des racines amérindiennes, le quart de notre population a des racines irlandaises, nous avons eu six premiers ministres avec des origines irlandaises. Qu'est-ce qu'ils nous racontent? Qu'est-ce qui fait qu'ils sont si mal informés dans le reste du Canada?», a-t-il lancé.

L'ex-leader souverainiste rappelle qu'il a lui-même goûté à la médecine de la presse anglophone pendant la campagne électorale de 2003 alors qu'un professeur de journalisme, a-t-il raconté, l'avait comparé à Saddam Hussein dans un article paru dans un quotidien ontarien.

«Je les plains. Qu'ils essaient de s'informer sur ce qu'est le Québec véritablement, a argué M. Landry. Est-ce qu'ils pensent que notre ministre de la Culture est né à l'île d'Orléans? C'est Maka Kotto (d'origine camerounaise). On (le Parti québécois) a fait élire le premier Noir (Jean Alfred) à l'Assemblée nationale du Québec. Le Québec a fait élire par le Bloc québécois le premier latino (Osvaldo Nunez) au Parlement du Canada. Qu'ils s'ouvrent les yeux.»

Au lieu de se déchaîner contre la volonté du Québec de protéger son identité et ses valeurs, le Canada anglais devrait, selon lui, se pencher sur les «dégâts» du multiculturalisme. Le jour viendra où les Canadiens «regretteront profondément» l'adhésion à cette doctrine héritée de l'ère Trudeau, croit M. Landry.

«Le multiculturalisme va donner lieu à de plus en plus de problèmes, comme en Grande-Bretagne. En Hollande, en Allemagne, la même chose. Angela Merkel a fait une sortie il n'y a pas longtemps contre cette doctrine. Les premières victimes du multiculturalisme sont les immigrants eux-mêmes parce qu'on les incite et on leur donne le droit de se reconstituer en groupes particuliers à l'intérieur de leur nouvelle nation. C'est bonjour les dégâts et ça alimente les partis de droite comme on a vu en Europe», a-t-il soulevé.

Le coup de sang de M. Landry ne s'arrête à la presse anglophone. Il en veut aussi à l'intellectuel Charles Taylor qui s'est emporté récemment contre les intentions prêtées au gouvernement péquiste d'interdire le port des signes religieux dans la fonction publique, les écoles, les hôpitaux et les Centres de la petite enfance (CPE). Le coauteur du rapport de la Commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables est allé jusqu'à comparer le Québec avec la Russie autoritaire de Vladimir Poutine.

«Ce qui m'a le plus effaré, c'est Charles Taylor et sa comparaison avec Poutine. C'est déshonorant pour lui, pour son métier de philosophe, pour son niveau intellectuel. Et en plus, c'est un descendant de Madeleine de Verchères (une héroïne de la Nouvelle-France)», s'est désolé M. Landry.

L'ex-politicien attend de voir les propositions concrètes du gouvernement Marois avant de tirer des conclusions définitives sur la charte des valeurs, mais sur le plan des intentions, il estime que le ministre Drainville «fait preuve de courage et de lucidité» en voulant encadrer les demandes d'accommodement religieux.

Pour favoriser l'intégration, le Québec doit envoyer aux immigrants «un signal puissant qu'ils doivent s'ajuster à une nouvelle nation», a-t-il dit, ajoutant que «la plupart d'entre eux le font magnifiquement».

«Aux États-Unis, vous n'avez jamais vu un agent de police avec un turban. Il y a des choses à réguler et j'espère que ça se fera, a déclaré M. Landry. La règle, c'est quand on change de pays, on change de pays. Ils (les immigrants) ne peuvent s'attendre à retrouver ici tout ce qu'ils avaient dans leur ancien pays.»