La Coalition avenir Québec (CAQ) durcit sa position sur la laïcité, sans toutefois aller aussi loin que le gouvernement péquiste. 

Son chef François Legault propose maintenant d'interdire les signes religieux ostensibles aux enseignants et directeurs d'écoles publiques primaires et secondaires.

«On sait que ce débat va diviser les Québécois, mais on n'a pas le choix de le faire», a dit M. Legault en anglais. Il accuse le précédent gouvernement libéral de s'être traîné les pieds.

Le rapport Bouchard-Taylor proposait de seulement interdire ces signes aux gardiens de prison, policiers, juges et avocats. Ils exercent un pouvoir au nom de l'État, et doivent le faire de façon neutre, sans laisser interférer ou paraître laisser interférer leurs croyances religieuses, y plaidait-on. Mais selon M. Legault, les directeurs d'écoles et enseignants du réseau public incarnent eux aussi une forme d'autorité auprès de leur «clientèle jeune et captive». Ces signes resteraient toutefois permis dans les écoles privées. Certaines écoles confessionnelles sont subventionnées, ce qui ne contreviendrait pas à la laïcité, croit la CAQ. 

M. Legault soutient que sa position reste toutefois moins «radicale» que celle du gouvernement péquiste. Tel que promis en campagne électorale, les péquistes préparent une charte de la laïcité - rebaptisée depuis charte des valeurs communes - qui interdirait le port de signes religieux ostensibles aux employés de la fonction publique et parapublique, comme une éducatrice de CPE, une préposée à l'accueil de la SAAQ ou une infirmière. 

Aux yeux de la CAQ, cela limite indûment la liberté de religion. La seule restriction proposée par la CAQ à l'ensemble des fonctionnaires: ils doivent donner des services à visage découvert. Cette exigence, motivée par «la sécurité et l'ordre public», empêcherait donc le port du voile intégral (niqab et burqa), mais pas du hidjab.

La CAQ veut protéger les croix

Le projet de charte du ministre Bernard Drainville propose de faire deux choses. Le premier: établir de nouveaux critères, dont l'égalité homme-femme, pour évaluer les demandes d'accommodements raisonnables. La CAQ est d'accord sur cet élément. Le deuxième objectif: établir la neutralité religieuse de l'État en inscrivant le principe dans la charte québécoise des droits, et en interdisant le port de signes religieux aux fonctionnaires. C'est sur ce dernier élément que réside la principale différence entre les deux partis. 

M. Legault a lui aussi essayé de faire vibrer la corde identitaire québécoise pour justifier sa position. La position du gouvernement péquiste interdirait à une infirmière catholique de porter un petit crucifix ou une croix, a répété M. Legault à de nombreuses reprises. Jamais il n'a parlé du hidjab. En fait, le ministre Drainville a toujours parlé de signes ostentatoires, ce qui ne s'appliquerait pas au crucifix quand il est porté sous un chandail.

«Il est souhaitable que le Québec se donne enfin un cadre qui puisse lui permettre de vivre ensemble en toute sérénité dans le respect de son héritage historique et de ses valeurs», a-t-il lancé, avant d'ajouter qu'il n'était «absolument pas question de renier qui nous sommes». 

Comme les péquistes, les caquistes veulent conserver le crucifix au Salon bleu de l'Assemblée nationale, un symbole patrimonial selon eux. Le crucifix n'a été installé qu'en 1936 à la demande du premier ministre Maurice Duplessis pour symboliser le rapprochement de son gouvernement avec l'Église. Québec solidaire réfléchit à la possibilité de l'installer ailleurs dans l'Assemblée, avec une plaque commémorative, comme on le fait déjà pour les autres artéfacts historiques. 

M. Legault a aussi parlé de l'importance de protéger les symboles des fêtes religieuses comme Noel et Pâques, ainsi que de maintenir la croix au sommet du mont Royal. Ce parc n'est pas une institution publique, et sa croix n'a donc jamais été menacée par un projet de charte de la laïcité. 

Malgré cet appel à l'histoire et au patrimoine, la CAQ dit regretter que le projet de charte de la laïcité ait été rebaptisé charte des «valeurs québécoises». Ce concept est trop imprécis, selon le chef. 

Déroger à la constitution canadienne

La CAQ voudrait hiérarchiser les libertés fondamentales. Elle voudrait modifier la charte québécoise des droits et libertés pour que l'égalité des sexes prime sur la liberté de religion. Cela contreviendrait à la constitution canadienne, mais aussi à la tendance générale observée dans d'autres pays et consacrée par la Convention européenne des droits de l'homme. Comme le ministre Drainville, M. Legault voudrait recourir si nécessaire à la clause nonobstant pour déroger à la constitution canadienne. 

Pour une politique de la diversité culturelle

La porte-parole de la CAQ en matière de culture, Nathalie Roy, a déploré le «vide juridique» en matière d'accommodements raisonnables. Les institutions sont donc «laissées à elles-mêmes», a-t-elle déploré.

En fait, il existe une jurisprudence bien établie. Mais cette jurisprudence ne permet pas de protéger complètement l'égalité homme-femme. La CAQ appuie donc le ministre Drainville, qui veut que les demandes respectent ce principe fondamental. M. Legault voudrait en outre que les demandes d'accommodements soient compatibles avec «le respect et la promotion de la culture matérielle du Québec», incluant son «patrimoine historique et religieux».

La CAQ souhaitera qu'on présente une «politique de gestion de la diversité culturelle», qui serait «aussi claire et détaillée que possible».