À peine 24 heures après leur entrée en vigueur, les nouvelles mesures du gouvernement du Québec en matière d'immigration semblent déjà loin de faire l'unanimité. L'opposition officielle critique la sélection au hasard des investisseurs immigrants, accusant la ministre de l'Immigration de «jouer au bingo» avec l'avenir de ces éventuels citoyens.

Parmi les nouvelles mesures qui semblent particulièrement litigieuses, on compte un tirage au sort qui déterminera les 1750 demandes d'immigrants investisseurs qui seront traitées sur l'ensemble des demandes reçues. «Je ne comprends tout simplement pas pourquoi une telle procédure a été instaurée», dénonce la porte-parole officielle de l'opposition en matière d'immigration, Filomena Rotiroti. «La ministre de l'Immigration joue au bingo avec l'avenir des immigrants», renchérit-elle.

Le gouvernement rétorque qu'un tirage au sort a été instauré «pour assurer un traitement équitable» envers ces demandeurs. «Comme les demandes ne se font que du 1er au 16 août, nous ne voulions pas commencer à sélectionner les demandes en fonction du moment de la réception», explique Jonathan Lavallée, porte-parole du ministère de l'Immigration du Québec.

Ce dernier mentionne que le délai pour le dépôt de ces demandes a été réduit à 12 jours ouvrables afin de minimiser le temps d'attente avec lequel doivent composer les immigrants investisseurs. «Chaque demande traitée implique des délais additionnels, nous avons voulu limiter le nombre de demandes reçues sur une base annuelle», précise-t-il, soulignant que le nombre maximal d'immigrants investisseurs est atteint année après année au Québec.

Plusieurs demandes à la fois

Par ailleurs, selon la ministre de l'Immigration Diane De Courcy, les immigrants investisseurs font, au même moment, plusieurs demandes dans différents pays. «Les immigrants investisseurs choisissent le premier pays qui donnera suite à leur demande. On doit donc s'assurer de minimiser les délais», affirme-t-elle.

Ces nouvelles mesures annoncées hier par voie de communiqué ont d'abord été présentées en ligne le 8 juillet dernier, sur le site d'Immigration-Québec. Selon la porte-parole officielle de l'opposition en matière d'immigration Filomena Rotiroti, ce délai est insuffisant. «Ça laisse très peu de temps aux immigrants investisseurs», plaide cette dernière.

Le gouvernement du Québec affirme que 380 demandes en provenance du bureau du Québec à Hong Kong ont déjà été reçues en une journée, ce qui prouve, selon le porte-parole du ministère de l'Immigration du Québec, que «les immigrants investisseurs sont bien au fait de ces délais et ont répondu à l'appel».

Dans une lettre d'opinion publiée dans La Presse hier, Louis-René Gagnon, qui enseigne l'immigration économique au cégep de Saint-Laurent, écrit qu'il est «un peu surprenant que le Québec en vienne à recourir à une méthode américaine de tirage au sort» en matière d'immigration. Il demande par ailleurs: «Si nous avons trop d'immigrants qui cherchent à investir au Québec, pourquoi ne pas hausser les seuils de passage ou, surtout, les montants exigés?»

«Une forte compétition»

Selon la ministre de l'Immigration, les pays se livrent une «forte compétition» pour attirer les immigrants investisseurs. «Le Québec est parmi les États qui a déjà des exigences costaudes en la matière. Il faut s'assurer de [rester attrayants] pour les immigrants investisseurs», soutient Diane De Courcy. «On doit trouver le juste équilibre entre les critères que l'on exige et l'attraction du Québec pour ces investisseurs», ajoute-t-elle.

Parmi les autres mesures annoncées figurent les exigences accrues touchant la maîtrise du français. Le ministère de l'Immigration estime que ces nouvelles exigences facilitent l'intégration et l'accès au marché du travail.

Micheline Labelle, titulaire de la Chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté à l'UQAM, souligne que les orientations annoncées sont «bonnes de façon générale». Elle mentionne toutefois que le fait d'accorder plus d'importance à la langue française n'a de sens que s'il est possible d'intégrer plus facilement les immigrants au marché de l'emploi du Québec. «Ça ne sert à rien de faire venir des immigrants francophones qui ne sont pas en mesure de se trouver un emploi si on ne s'attaque pas davantage aux obstacles auxquels ils sont confrontés, comme la discrimination par exemple», estime-t-elle.

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Nouvelles mesures en vigueur depuis le 1er août 2013:

> Coût pour les immigrants investisseurs

Les immigrants investisseurs devront délier les cordons de la bourse et verser 10 000$ pour remplir une demande d'immigration. Les immigrants investisseurs devaient auparavant débourser quelque 4000$, plus 160$ pour chaque membre de leur famille.

> Points attribués selon les domaines de formation

Un système de points qui était en vigueur depuis quatre ans a été revu en fonction des nouveaux besoins en matière de main-d'oeuvre au Québec. Les formations en santé, notamment en sciences infirmières, de même qu'en génie, par exemple génie aéronautique et génie civil, valent de nombreux points dans la section «Domaine de formation» de la demande d'immigration.

> Maîtrise du français

Le processus d'immigration au Québec inclut un système de points. Le niveau «intermédiaire avancé» en français est devenu le seuil minimal qui permet d'acquérir des points dans la section «Connaissances linguistiques» de la demande d'immigration. Ceci s'applique aux travailleurs qualifiés et autonomes, aux entrepreneurs et aux investisseurs.