Le ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault, somme le maire par intérim de Laval de s'expliquer sur les allégations de prête-noms chez les élus lavallois faites devant la commission Charbonneau. Devant la gravité des révélations, Québec n'écarte plus la possibilité d'une tutelle ou de mettre en place une administration provisoire d'ici la prochaine élection.

Alexandre Duplessis a servi de prête-nom

Le silence à l'hôtel de ville de Laval qui a suivi les révélations explosives de l'agent officiel du PRO des Lavallois, Jean Bertrand, a été bien mal reçu à Québec. L'homme qui a tenu les cordons des finances du parti de Gilles Vaillancourt pendant 28 ans a affirmé hier que la quasi-totalité des conseillers municipaux a obtenu un remboursement en argent comptant de leurs dons, au moins depuis 1997. Jusqu'à 900 000 $ a ainsi été distribué à 25 élus. Cette pratique contrevient à la fois à la loi sur les élections et représente une fraude fiscale.

«J'ai été troublé par ce que j'ai entendu. Si ces allégations devaient s'avérer, c'est très grave. Les citoyens de Laval ont droit d'entendre la version de leur maire. Il doit donner des explications, dit le ministre Gaudreault, en entrevue à La Presse. Il ne doit pas juste rassurer, les gens s'attendent à la vérité.»

La Ville Laval a annoncé hier qu'elle ne ferait aucun commentaire sur les travaux de la Commission tant que l'île Jésus restait au coeur de l'enquête publique. Pour l'instant, la demande du ministre Gaudreault n'y change rien, le maire par intérim n'ayant toujours pas l'intention de s'adresser aux médias. «Il y a eu plusieurs demandes d'entrevue de faites et il les a toutes déclinées. Même après la sortie du ministre, les intentions n'étaient pas de faire une sortie publique», a indiqué une porte-parole municipale, Nadine Lussier.

Le ministre Gaudreault dit vouloir attendre la journée avant de décider ce qu'il fera. «Ça va devenir intenable pour lui. C'est une question de confiance envers les institutions. Le maire ne peut pas rester éternellement silencieux sur une telle question.»

En parallèle, Québec est à évaluer quelles actions prendre d'ici les élections de novembre. «Tous les scénarios sont ouverts», a confirmé le ministre Gaudreault.

Le gouvernement pourrait ainsi demander à la Commission municipale du Québec (CMQ) de mettre en tutelle Laval. Un tel scénario serait inusité puisque cette mesure est généralement réservée aux municipalités dont les élus ne sont plus en mesure de prendre des décisions depuis 30 jours. La loi prévoit toutefois qu'une tutelle peut être décrétée le temps de mener une enquête sur l'administration d'une Ville.

Le ministre Gaudreault reconnaît qu'une telle démarche est inusitée, mais est réaliste. «La CMQ est là et a les bonnes ressources s'il faut agir. Ce n'est pas commun, mais la CMQ est là pour ça», dit-il.

Pour mettre en tutelle une Ville, la CMQ doit s'adresser à la «Cour supérieure afin de faire mettre une municipalité sous sa tutelle lorsqu'elle n'est plus en mesure de faire face à ses obligations financières ou lorsque le conseil est dans l'impossibilité de fait d'administrer les affaires depuis plus de 30 jours, bien qu'il puisse siéger valablement».

La Coalition avenir Québec juge pour sa part qu'il est temps de mettre la Ville de Laval sous tutelle en raison de la gravité des allégations faites devant la Commisison. « Chaque jour nous apporte une nouvelle histoire d'horreur concernant l'administration de Ville de Laval. Ce que nous avons appris ces dernières heures commande au gouvernement de poser un geste exceptionnel pour répondre à une situation devenue intolérable pour la population de la troisième ville en importance au Québec »,  a indiqué par communiqué son chef, François Legault.

Québec étudie aussi l'hypothèse de démissions en séries qui pourraient survenir à l'hôtel de ville à la suite des révélations. La Charte de la Ville de Laval impose en effet un quorum de la majorité pour que le conseil municipal puisse fonctionner. Le départ de onze conseillers pourrait ainsi mener à la mise en place d'une administration provisoire. Les révélations de Jean Bertrand ont éclaboussé 20 des 22 élus de Laval siégeant présentement, en incluant le maire Duplessis.

Revenu Québec a refusé de commenter les révélations, précisant toutefois suivre «avec grand intérêt les travaux de la commission Charbonneau».

Ces révélations surviennent alors que le maire par intérim de Laval demande un ajournement des travaux de la commission Charbonneau durant la campagne électorale pour éviter de nuire. L'Union des municipalités du Québec avait toutefois refusé d'endosser la proposition de Duplessis lors de ses récentes Assises annuelles, qui avaient été perturbées par l'arrestation de 37 personnes à Laval, dont l'ex-maire Gilles Vaillancourt.