Un problème lancinant plombait en silence l'économie du Québec, une sorte de tueur en série qui menace les investisseurs.

La propriété des terres agricoles par les «étrangers» est une chape de plomb freinant le développement du Québec. Mais notre gouvernement sous la gouverne de Pauline Marois va rapidement déposer un projet de loi pour «moderniser» la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidents, afin de «laisser plus de place à une diversité de modèles d'entreprises agricoles». Pauline Marois en a fait l'annonce, jeudi, à Baie-Saint-Paul. C'est à la page 32 de la «Politique de souveraineté alimentaire».

C'est un problème dont, personnellement, elle connaît l'ampleur totalement inattendue. Depuis des mois, le magnat de l'immobilier belge, Patrice Rochemont ne peut conclure l'achat du château de Mme Marois à L'Île-Bizard, parce que la «Closerie» et son domaine de 15 hectares (l'équivalent de 29 terrains de football) se trouvent en partie sur une terre zonée agricole. Pour acheter, M. Rochemont devrait être reconnu comme résident permanent, ce qui suppose d'avoir vécu au Québec plus de six mois par année.

Espérons que les juristes du ministère de l'Agriculture songeront à cette situation pénible, dans cette «modernisation» jugée nécessaire et que, comme le gouvernement, ils mettront de côté un rapport rendu public en février, par le groupe CIRANO qui concluait que «l'accaparement» des terres agricoles par des étrangers et la spéculation «sont des problèmes marginaux».

Les changements envisagés à cette obscure loi sont-ils téléguidés depuis le bureau de la première ministre? Rien ne permet de l'affirmer. Mais libéraux comme caquistes se priveront-ils de le suggérer? D'un pas volontaire autant qu'assuré, Pauline Marois s'est lancée dans une autre controverse.

Ce n'est pas la première fois. Ce serait trop facile de rappeler le feu d'artifice de son premier point de presse, où elle promettait d'abolir la taxe santé, même si pour y parvenir Québec devait recourir à taxer rétroactivement les contribuables. Retraite dans le désordre après un mois de tergiversations désolantes.

Pendant des semaines, Mme Marois a enduré comme un caillou dans sa chaussure le débat sur les redevances minières. Sa décision de réduire considérablement la ponction attendue des minières est prise depuis longtemps mais, histoire de ne pas heurter la susceptibilité de sa ministre Martine Ouellet, on a repoussé constamment l'annonce. Après avoir boudé et menacé, Martine Ouellet fera finalement de la figuration à l'annonce de son collègue Nicolas Marceau.

Après des semaines d'une tension interne, inutile, stérile, Québec a procédé à l'annonce qu'il aurait pu faire bien avant. Martine Ouellet sera touchée par le prochain remaniement ministériel, qu'il ait lieu en juin, ou en septembre. Déjà, elle a fait savoir qu'elle ne voulait pas de l'Environnement.

Créez votre propre problème II

Dans la série «Créez votre propre problème», Mme Marois a livré une pièce d'anthologie il y a deux semaines. En septembre, elle avait annoncé l'abrogation de la loi 12 - mieux connue comme projet de loi 78 sur le contrôle des manifestations - pour tourner la page des affrontements douloureux du «printemps érable». Par la suite, elle cautionna le règlement P-6 de la Ville de Montréal, qui demandait aux manifestants de partager leur itinéraire avec la police et de ne pas manifester masqué.

Dossier clos? Pasionaria de la guérilla étudiante, Martine Desjardins peut même trinquer désormais à la sangria avec le commentateur Richard Martineau, l'ennemi des carrés rouges il y a un an, des «nouveaux amis» pour le petit écran.

Mais pour notre gouvernement, le Québec vit encore dans les gaz lacrymogènes. Une commission d'enquête sera instituée, sans le pouvoir de convoquer des témoins, à huis clos, sous la responsabilité du ministre Stéphane Bergeron, celui-là même qui avait taxé de «patente à gosses» la commission Charbonneau, affligée dans ses premières heures des mêmes entraves.

Le président sera Serge Ménard, ancien ministre à Québec, député à Ottawa, qui a accepté le mandat, «avec enthousiasme», dira M. Bergeron, ignorant les problèmes de santé assez importants, connus depuis un an par le juriste réputé.

L'ex-juge Bernard Grenier fera l'équilibre - il avait produit un rapport totalement inoffensif pour le gouvernement Charest sur Option Canada. L'ex-magistrat avait préféré regarder ailleurs quand on lui avait rapporté, lors des témoignages à huis clos, des infractions à la loi qui n'étaient pas directement dans son mandat.

Finalement, Claudette Carbonneau complète le trio - son ancienne organisation, la CSN, avait financé en sous-main les manifestations des carrés rouges. La décision était si risible que Robert Poëti, le libéral a demandé si le gouvernement avait songé à embaucher Gabriel Nadeau-Dubois comme secrétaire!

Pour Mme Marois, «la crise mérite un examen». Le gouvernement Charest «s'est entêté contre nos jeunes, on les a attaqués, on les a frappés», a-t-elle expliqué jeudi à l'Assemblée nationale, justifiant cette décision que bien des ministres jugeaient pourtant bien mal avisée.

Ces derniers ont toutefois remporté une victoire: le «bunker», le cabinet de Mme Marois, s'est calmé du côté des nominations partisanes.