Le Directeur général des élections risque d'avoir de sérieux problèmes s'il estime pouvoir engager des poursuites sur les contributions politiques faites par des prête-noms entre 2006 et 2011. Le DGE s'engagerait ainsi dans des mesures rétroactives très difficiles à justifier.

Car le gouvernement a cru nécessaire de rendre plus contraignantes, à la fin de 2010, les dispositions de la loi encadrant les contributions, en précisant que les donateurs doivent explicitement s'engager à donner leur propre argent, sans remboursement, aux partis politiques.

Pour des avocats spécialisés sur ces questions, tous les partis sont bien conscients que le DGE n'a pas les recours qu'il prétend avoir pour les contributions précédant la mise en application de la loi, en janvier 2011, «mais personne n'ose le dire, craignant que la population y voie un aveu de culpabilité».

«Un changement de fond»

Enseignant en droit public à l'Université de Montréal, Me Frédéric Bérard observe que si le législateur a senti le besoin de modifier l'article 90 de la loi électorale, il admet que l'article précédent n'était pas suffisamment explicite. Jusqu'à 2011, la loi prévoyait seulement que «toute contribution doit être versée par l'électeur lui-même et à même ses propres biens».

Or, la révision de 2011 ajoute qu'il ne doit pas avoir «de contrepartie», de remboursement sous quelque forme que ce soit. On précise aussi que l'électeur doit confirmer par écrit qu'il a donné une contribution sans compensation.

«Si le législateur a demandé une modification, une clarification de la loi, on doit présumer que cette modification entraîne un changement de fond», explique Me Bérard. Remonter avant la mise en application de la loi, «serait une application rétroactive».

Bien que ce soit rare, une loi peut être rétroactive, «mais cela doit être prévu explicitement dans la loi», ajoute-t-il.

Mercredi, dans une sortie publique, Jacques Drouin, le DGE, indiquait qu'il pouvait exercer des recours dans les cas où des «prête-noms» avaient contribué illégalement aux partis politiques entre 2006 et 2011.

Grâce à une disposition de la loi de 2011 lui permettant de croiser les fichiers fiscaux des contributeurs, le bureau du DGE avait observé que les employés de 532 entreprises et leurs proches avaient versé près de 13 millions à des partis politiques, principalement au Parti libéral, entre 2006 et 2011.