L'ex-ministre de l'Environnement Daniel Breton a-t-il compromis l'indépendance du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) lors de sa visite en octobre dernier? Sa version a été mise à l'épreuve mercredi lors de la commission parlementaire qui se penche sur l'affaire.

L'ex-vice-président Pierre Fortin a affirmé sous serment que l'entourage de M. Breton avait réussi à obtenir les numéros de cellulaires des commissaires du BAPE. Son garde du corps en a fait la demande. Les quatre autres témoins ont confirmé cette version mercredi, sans pouvoir dire qu'il s'agissait d'une commande du ministre. De plus, le ministre aurait prévenu les commissaires que «s'il n'était pas content du travail du BAPE, il s'organiserait pour nous le faire savoir», a dit M. Fortin.

Or, en novembre dernier, M. Breton affirmait ceci au Salon bleu. «J'étais pour appeler les gens si je n'étais pas content des décisions, j'ai dit ça? Ça aussi, c'est faux», ajoutait-il. Il référait précisément à un appel téléphonique, sans exclure qu'il semoncerait les commissaires autrement. M. Breton avait aussi assuré qu'il n'avait pas exigé les numéros de téléphone. Il n'a par contre pas mentionné que son garde du corps en a fait la demande.

C'est à cause de ces deux allégations que les libéraux accusent M. Breton, qui n'est plus ministre aujourd'hui, d'avoir compromis l'indépendance du BAPE. Cet organisme consultatif relève du ministre de l'Environnement. Il lui formule des recommandations. Le ministre n'est pas obligé de s'y soumettre. Mais dans la conduite de ses enquêtes, le BAPE doit demeurer indépendant. Ses commissaires sont assermentés par un juge de la cour supérieure. Leurs pouvoirs s'apparentent d'ailleurs à ceux d'un juge. Ils peuvent convoquer des témoins par subpoena et obtenir des documents confidentiels.

Les commissaires doivent donc demeurer indépendants et préserver l'apparence d'indépendance, a soutenu M. Fortin. C'était à sa connaissance la première fois qu'un ministre exigeait les numéros de téléphone des commissaires, a-t-il soutenu. Et M. Breton était seulement le deuxième ministre à se rendre dans les bureaux du BAPE, après André Boisclair, a-t-il ajouté.  Deux enquêtes du BAPE étaient en cours durant la visite.

M. Fortin a été congédié par M. Breton peu après. Il a admis que lors de la visite, le ministre ne lui avait pas parlé d'un dossier spécifique et n'avait pas commenté son travail.

Les péquistes répondent de leur côté que le BAPE a gagné en indépendance sous leur gouverne. Avant leur élection, les six membres du BAPE avaient déjà été liés de près ou de loin aux libéraux. M. Fortin était attaché politique libéral il y a près trois décennies, de 1986 à 1988. Les autres avaient été soit membre, employé, candidat ou donateur.

Après son témoignage, M. Fortin ne voulait pas détailler les propos formulés par M. Breton lors de sa visite. «Vous êtes qui, vous?», a-t-il lancé aux journalistes qui essayaient de comprendre ses allégations au sujet de l'homme qui l'a congédié.