Le projet de loi 14 a suscité méfiance et scepticisme et entraîné des commentaires partagés, mercredi. Sans surprise, les libéraux ont fait une sévère mise en garde au gouvernement qui risque de rompre un équilibre précaire entre la protection du français et celle des droits fondamentaux.

Selon le chef libéral Jean-Marc Fournier, il faut craindre «l'astuce, la trappe à homards» avec un projet de loi qui risque de «diviser les Québécois». «Leur idée, c'est de dire qu'il faut enlever des droits aux anglophones, que l'anglais est une langue étrangère. Je crois qu'on n'a pas besoin d'une guerre linguistique au Québec.» Le gouvernement, selon lui, veut «que le grand sujet au Québec soit le problème linguistique. Est-ce que c'est le grand problème? Ne faisons pas diversion. Le grand problème, c'est l'économie», a-t-il lancé.

Pour Marc Tanguay, critique de ce dossier pour le Parti libéral du Québec, le projet de loi ne crée rien de moins qu'une «police politique linguistique» au Québec. Le ministre aura sous lui une série de commissaires pour contrôler l'espace public, des projets qui lèvent de nombreux «drapeaux rouges» quant aux intentions réelles de Québec. Les petites et moyennes entreprises (PME) se verront imposer des tracasseries inutiles. «Il y aura beaucoup de travail à faire» pour que le projet de loi devienne acceptable, a-t-il prévenu.

Selon François Legault, chef de la Coalition avenir Québec, le projet de loi impose trop de contraintes aux entreprises de moins de 50 employés, ce qui risque de faire fuir les investisseurs. Il vaudrait mieux appliquer la loi 101 actuelle dans toute sa rigueur que la modifier, a-t-il soutenu.

À son avis, Québec devrait d'abord donner les moyens nécessaires à l'Office québécois de la langue française. «Actuellement, beaucoup d'immigrants se plaignent que les cours ne sont pas disponibles. Or, dans le budget et dans l'annonce d'aujourd'hui, il n'y a aucun moyen annoncé pour la francisation des immigrants, ce qui devrait être la priorité.»

Parmi les groupes, Mario Beaulieu, président du Mouvement Québec français, a salué «l'effort du gouvernement en dépit de son statut minoritaire». Pour lui, il était crucial d'intervenir pour les entreprises de moins de 50 employés, même si on doit se résoudre à «un processus de francisation allégé». Le projet de loi «est un effort louable, mais insuffisant pour assurer l'avenir du français s'il ne s'accompagne pas d'autres mesures énergiques», a-t-il poursuivi.

Dans les milieux d'affaires, on était méfiants. Il faudra voir la réglementation, «le diable est dans les détails», a dit Martine Hébert, directrice au Québec de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, porte-parole des PME. Des tracasseries sont toujours à craindre. «Un de nos membres a reçu une lettre de l'Office qui lui demandait d'apposer des collants en français sur le micro-ondes de la cuisine des employés!», a-t-elle lancé. Le Conseil du patronat (CPQ) se dit en accord avec les objectifs, mais entrevoit l'alourdissement du fardeau réglementaire pour les entreprises de 26 à 49 employés. Le CPQ est heureux de voir que Québec a renoncé à bloquer l'accès des cégeps anglophones aux francophones et aux allophones, cependant.

La chambre de commerce du Montréal métropolitain s'inquiète aussi de la portée très large du projet de loi. Le président Michel Leblanc est heureux de voir que les très petites entreprises ne seront pas visées par des mesures coercitives. L'attraction et la rétention des employés qualifiés sont des enjeux importants, et il ne faut pas restreindre le bassin de candidats potentiels en disqualifiant ceux qui ne parlent pas suffisamment français s'ils répondent aux besoins de l'employeur, a-t-il souligné.