Un mois après le début de la course à la direction du Parti libéral du Québec (PLQ), Philippe Couillard semble en avance sur ses adversaires dans quelques régions du Québec. Mais une tournée d'une dizaine de présidents régionaux du parti montre que Raymond Bachand n'est pas loin derrière et que rien n'est encore joué.

Au cours des derniers jours, La Presse a tenté de joindre tous les présidents régionaux du PLQ. La majorité d'entre eux, une dizaine, ont partagé leur évaluation de la course qui permettra de choisir, le 17 mars, le successeur de Jean Charest. Dans trois régions, Philippe Couillard paraît en avance, mais les militants restent «partagés» - Raymond Bachand n'est jamais bien loin.

La course a un impact même au caucus du PLQ, où le moindre comité doit tenir compte de l'équilibre des forces entre MM. Couillard et Bachand surtout. Le chef intérimaire Jean-Marc Fournier n'a guère d'autorité sur les troupes, on trouve que le leader parlementaire Robert Dutil manque de dynamisme.

Mais même dans le camp Couillard, on reconnaît que Raymond Bachand mène la campagne la plus méthodique en faisant studieusement du financement, en multipliant les entrevues avec les médias et en établissant des contacts dans les régions. Le désaveu de Philippe Couillard à l'endroit du fils de Pierre Bibeau, Alexandre, a refroidi certains - le jeune Bibeau était organisateur de M. Couillard pour l'ouest du Québec.

Jusqu'à la fin du mois d'octobre, Maxime Pridmore était président régional pour l'Estrie, responsable de sept circonscriptions. Il a quitté son poste, mais donne un coup de main à l'équipe de Philippe Couillard. Sa région offre un portrait bigarré: «Je dirais que M. Couillard est en avance, son organisation est solidement en place. Mais dans certains comtés, à Granby par exemple, rien n'est clairement joué.»

M. Bachand est déjà passé à Sherbrooke. Quant à Philippe Couillard, «il viendra assez rapidement». Selon lui, bien que Pierre Moreau ait d'entrée de jeu mis l'accent sur les jeunes pour le lancement de sa campagne, cela ne se reflète pas sur le terrain: Philippe Couillard et Raymond Bachand semblent plutôt se partager l'appui des plus jeunes militants.

La vraie course, après les Fêtes

Selon Jean-Louis Carignan, président régional pour les trois circonscriptions de l'Abitibi-Témiscamingue, seul Philippe Couillard a jusqu'ici manifesté son intention de passer dans la région. «S'il vient, c'est probablement qu'il sent qu'il est en avance, mais c'est difficile à dire, c'est bien partagé», observe le militant.

Doris Demers, présidente de Montréal-Centre, qui compte neuf circonscriptions, affirme que «c'est très partagé». «On retrouve des militants pour les trois candidats, mais dans l'ensemble, je dirais que c'est à 60% en faveur de Couillard.»

«Ici, il y a beaucoup de comtés orphelins [où le PLQ n'a pas fait élire de député], le choix des militants y est plus difficile à prédire qu'aux endroits où un élu a affiché ses couleurs», ajoute-t-elle.

Pour les huit circonscriptions de l'est de Montréal, Martin Lapointe observe que «dans les associations, c'est relativement partagé». «Les militants ne se sentent pas au coeur d'une course pour l'instant, j'ai l'impression que cela va commencer pour vrai après les Fêtes.»

Les jeunes courtisés

Dans Anjou, on trouve Lise Thériault, coprésidente de la campagne Bachand. Comme elle, M. Lapointe appuie l'ancien ministre des Finances. «Est-ce que le Québec a besoin d'un médecin? Les deux médecins [Yves Bolduc appuie Couillard] n'avaient pas trouvé de solutions miracles. Pierre [Moreau] se positionne bien, comme Mme Marois l'avait fait dans le temps. Je ne suis pas sûr que son tour soit arrivé!» Raymond Bachand «traîne un peu l'ancien mandat avec lui, mais c'est exceptionnel qu'on nomme comme critique [aux Finances] l'ancien ministre. C'est qu'il est pas mal le seul à avoir quelque chose de concret à proposer», ajoute M. Lapointe.

«Ce qui change la donne dans l'Est, c'est les jeunes, les aînés n'ont pas la mainmise sur eux, et Raymond Bachand a un bon groupe de jeunes.» Pierre Moreau a mis l'accent sur eux au lancement de sa campagne, «mais cela n'a pas nécessairement évolué depuis», constate M. Lapointe. «Selon ce que je peux observer, M. Couillard est souvent en premier et Raymond Bachand deuxième.» Mais au fil d'arrivée, avec le travail dans les circonscriptions orphelines, «j'ai l'impression que cela va finir moitié-moitié entre Bachand et Couillard», conclut M. Lapointe.

«Un homme de région»

Marc Thompson, qui préside l'association des sept circonscriptions de Lanaudière, estime que Philippe Couillard est passablement en avance. Tous les candidats sont passés dans la région, même Jean David, candidat plutôt marginal. «Sur le contenu, on a vu que M. Couillard connaissait très bien les enjeux de Lanaudière.» Élevé à Outremont, M. Couillard habite désormais à Saint-Félicien. «C'est un homme de région, et c'est très important pour le PLQ actuellement.»

Dans la région de Québec, Jean-Guy Légaré prend ses distances de l'impression selon laquelle Philippe Couillard caracole en tête dans les 12 circonscriptions de la région. «Tous les candidats sont sur le terrain, c'est difficile à évaluer à ce stade.»

L'organisation Couillard martèle qu'elle règne sans partage dans l'est du Québec. L'ex-ministre Sam Hamad mène une campagne musclée pour l'ancien ministre de la Santé. «C'est une appréciation que je ne partage pas, c'est moins clair que ça. Il n'y a pas de mouvement qui permette de dire que la région de Québec est massivement derrière l'un des candidats», observe M. Légaré.

En revanche, dans le Bas-Saint-Laurent, où l'ancien maire Émilien Nadeau est président, «M. Couillard est plus avancé que les deux autres». «M. Bachand n'est pas venu encore [il est allé en Gaspésie]. M. Moreau est passé dans le coin... Mais M. Couillard a deux comtés sur trois, depuis le début, selon moi.»

Avis partagés

Pour Laval, Denis Piché observe que les six circonscriptions offrent un portrait bigarré. Il est déjà arrivé qu'un député ne puisse «livrer» ses délégués au candidat qu'il appuie, rappelle-t-il. MM. Couillard et Bachand ont déjà rencontré beaucoup de militants à Laval, «M. Moreau un peu moins». «Je pense que ce sera assez partagé entre MM. Couillard et Bachand, c'est le cas dans mon comté de Laval-des-Rapides», dit-il.

Dans l'ouest de la Montérégie, Diane Primeau-Fortin affirme que la campagne débute à peine, mais que «dans la région, c'est pas mal réparti». Pierre Moreau vient de cette région, «mais cela ne veut rien dire» - dans la même région, Stéphane Billette, élu dans Huntingdon, dirige en effet la campagne Couillard. Nicole Ménard, ex-ministre du Tourisme, appuie Raymond Bachand.