Principal ministère visé par les enquêtes diverses sur le monde de la construction, Transports Québec (MTQ) a récemment envoyé à ses employés une note controversée sur la marche à suivre en cas de contact avec la commission Charbonneau (CEIC).

La note, envoyée à l'interne deux fois plutôt qu'une au cours des dernières semaines et signée par la sous-ministre Dominique Savoie, indique d'abord que le ministère des Transports du Québec collabore avec la Commission et invite les fonctionnaires à informer la direction s'ils sont contactés par des enquêteurs. La direction des services juridiques du MTQ est à la disposition des fonctionnaires pour les renseigner sur le déroulement des rencontres avec les enquêteurs de la Commission, lit-on aussi dans la note, obtenue par La Presse.

Du même coup, la sous-ministre Savoie informe les fonctionnaires que «dans le cas où la Commission révélerait des comportements répréhensibles, le Ministère prendra toutes les mesures appropriées à l'égard des personnes concernées [...]».

Des sources bien au fait du climat au MTQ affirment qu'une telle note, loin d'encourager les fonctionnaires à collaborer volontairement avec la commission Charbonneau, refroidira encore davantage plusieurs témoins potentiels, qui craindront les représailles de leur employeur.

Cette note a été envoyée une deuxième fois la semaine dernière, tout juste après que la Ville de Montréal eut suspendu sans solde quatre de ses fonctionnaires qui venaient de témoigner devant la commission Charbonneau. Le sort réservé à ces fonctionnaires, qui n'ont pas bénéficié de la présomption d'innocence, pourrait s'avérer contreproductif pour la suite des témoignages, selon des sources qui connaissent bien la culture interne du MTQ.

«On peut voir ça de deux façons: on peut vouloir protéger les droits des fonctionnaires, mais on peut aussi vouloir contrôler ce qu'ils diront, dit Michel Gagnon, président de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec. Pourquoi préciser qu'il y aura des conséquences aux actes répréhensibles? Ça va de soi, non?»

Jacques Duchesneau, député de la Coalition avenir Québec (CAQ) et ancien patron de la défunte Unité anticollusion, est encore plus direct. «Il y a deux façons d'interpréter ce mémo. Un, on veut coacher, encadrer les fonctionnaires, les accompagner. Ça, c'est la version mielleuse. Ou, deux, on veut fait peur aux fonctionnaires, les contrôler, les intimider», dit M. Duchesneau, qui critique au passage le manque de protection offert aux dénonciateurs et le manque de transparence «chronique» du MTQ.

Le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) a aussi dénoncé le peu de protection offert aux dénonciateurs (aussi appelés whistleblowers) la semaine dernière, lors de la commission parlementaire étudiant le projet de loi 1 (sur l'intégrité dans les contrats publics) du gouvernement Marois. L'an dernier, la présidente du SFPQ a même envoyé une lettre à l'ancien ministre des Transports, Pierre Moreau, pour s'assurer que les fonctionnaires pourraient collaborer sans risque à la CEIC. Cette lettre est restée sans réponse.

Hier, à l'Assemblée nationale, le critique de la CAQ en matière de transports, Éric Caire, a talonné le ministre des Transports, Sylvain Gaudreault. Il a critiqué ce qu'il appelle l'«obscurantisme» du MTQ et déploré le fait que les informations ne circulent pas mieux sous le Parti québécois que sous le précédent régime libéral.

M. Caire tente, depuis huit mois, d'obtenir les rapports de vérification interne et de l'évaluation des programmes du MTQ réalisés entre 2004 et 2010. Sans succès, jusqu'à maintenant.

Le ministre Gaudreault a simplement suggéré à son collègue caquiste de laisser la commission Charbonneau poursuivre ses travaux.

Photo tirée d'internet

La note a été signée par la sous-ministre Dominique Savoie.