Le gouvernement minoritaire de Pauline Marois sera pour la première fois confronté à la menace d'être renversé, lors du prochain vote sur le discours d'ouverture prononcé mercredi par la première ministre.

À peine terminée l'allocution de Mme Marois, les oppositions libérale et caquiste ont signifié qu'elles voteront contre le discours, qui a établi les grandes orientations du gouvernement.

Après vérifications, l'attachée de presse de Mme Marois, Marie Barrette, a confirmé à La Presse Canadienne qu'il s'agissait d'un vote de confiance, qui met en jeu la survie du gouvernement.

Mme Barrette a cependant estimé qu'il serait irresponsable, pour les partis de l'opposition, de replonger le Québec en élection moins de deux mois après le dernier scrutin.

«Ce serait complètement irresponsable, de la part des deux oppositions, de nous retourner en élection, a-t-elle dit. Je ne peux pas croire qu'ils ne réfléchiront pas plus que cela.»

Lors de son point de presse, le chef libéral intérimaire Jean-Marc Fournier a annoncé que l'opposition officielle votera contre le discours.

«Nous ne pourrons pas appuyer ce discours inaugural», a-t-il dit.

Le chef caquiste François Legault n'avait pas exprimé ses intentions, mais son attaché de presse, Jean-François Del Torchio, a par la suite affirmé que le deuxième groupe d'opposition s'opposera aussi à la motion sur le discours d'ouverture.

«On va voter contre», a-t-il dit.

Après avoir prononcé son discours, Mme Marois a déposé une motion à soumettre au vote, qui stipule «que l'Assemblée nationale approuve la politique générale du gouvernement».

Le vote ne surviendra cependant qu'après les 25 heures de débat réglementaire sur le discours. La motion pourrait donc être soumise au vote dans environ 10 jours.

Les libéraux et les caquistes ont réservé un accueil glacial au discours d'ouverture de Mme Marois.

Le gouvernement péquiste nage en pleine confusion, ont clamé à l'unisson MM. Fournier et Legault, soulignant que la première ministre n'a pas précisé si elle a l'intention de déposer un budget cet automne.

En dressant une longue liste de dépenses sans indiquer où elle prendra les revenus, la première ministre Marois n'a rien fait pour rassurer les milieux financiers, a soutenu M. Fournier, en point de presse.

En matière de croissance économique, le discours d'ouverture n'offrait que le «néant total», a-t-il dénoncé.

«Il y avait franchement beaucoup de dépenses mais il n'y avait pas de revenus dont on nous a parlé, a-t-il dit. Pas un mot sur la dette. Et je dois vous dire qu'il y avait encore beaucoup d'improvisation dans ce discours inaugural sur les aspects budgétaires, justement.»

À ses yeux, le comité sur l'investissement privé annoncé par la première ministre n'a aucune crédibilité avec à son bord les ministres Martine Ouellet, des Ressources naturelles, et Daniel Breton, du Développement durable, qu'il a comparés au militant altermondialiste José Bové.

«J'avais l'impression, à entendre ça, que José Bové allait être consulté à l'externe à ce comité, a-t-il dit. Franchement, rien de sérieux pour supporter la relance de l'économie.»

Sur le plan linguistique, le leader libéral par intérim a reproché à Mme Marois de vouloir relancer les hostilités avec la communauté anglophone avec son projet de refonte de la Charte de la langue française.

De toute évidence, la première ministre «ne sait pas où elle s'en va», a pour sa part lancé le chef de la CAQ.

Mme Marois ne sait même pas si elle va déposer ou non un budget dans les prochaines semaines, a-t-il analysé, regrettant l'absence, dans le discours, d'orientations précises sur l'assainissement des finances publiques.

«Les Québécois, ce qu'ils veulent, ce n'est pas des propositions pour augmenter les impôts de qui que ce soit, a-t-il dit. Ce qu'ils veulent, c'est un ménage au niveau de la corruption, de la bureaucratie, du gaspillage, et ça, il n'y a absolument rien. C'est le vide total dans le discours inaugural.»

Au sujet de la lutte à la corruption, M. Legault a dit accueillir avec satisfaction l'intention du gouvernement d'abaisser de 1000 $ à 100 $ la contribution maximale pouvant être versée à un parti politique.

Néanmoins, pour lutter plus efficacement contre l'argent «sale», la première ministre aurait dû, selon lui, franchir un pas de plus en imposant un «plafond» aux dépenses électorales.

«Comptons-nous pas d'histoires; tant qu'on n'aura pas mis un plafond, on ne pourra pas aller plus loin», a-t-il dit.

À ce sujet, M. Fournier a pour sa part insisté sur la nécessité d'aborder aussi les problèmes liés au financement politique au niveau municipal.

De son côté, Québec solidaire a dit craindre que les «bonnes intentions» exprimées dans le discours ne mènent à rien.

La volonté du gouvernement de lutter contre la corruption, l'itinérance et les inégalités risque de frapper un mur si le gouvernement «ne se donne pas les moyens» de ses ambitions, a affirmé la porte-parole de la formation de gauche, Françoise David.

La députée de Gouin aurait souhaité que la première ministre indique clairement son intention de hausser l'impôt des contribuables «les plus riches», les entreprises financières et les compagnies minières.