Avec en fond de scène les révélations quotidiennes de la commission Charbonneau, le gouvernement Marois visera une cible susceptible de faire consensus: ce sera mission intégrité pour les prochains mois.

Le discours inaugural que prononcera demain la première ministre Pauline Marois proposera d'abord une série de mesures destinées à assainir les moeurs dans l'administration publique et le financement des partis politiques. Une poignée de projets de loi seulement seront déposés avant le 15 novembre, date butoir à laquelle le gouvernement peut forcer l'adoption d'une loi - dans un contexte minoritaire, cette échéance devient bien théorique. Avec le débat sur le discours inaugural et probablement un autre sur un «minibudget», il ne restera pas beaucoup de temps pour les lois.

Officiellement, Québec n'a pas encore décidé s'il allait déposer, plus tard en novembre, un simple énoncé économique ou un véritable minibudget. L'opération vise avant tout à faire voter l'Assemblée nationale sur la formule - controversée - choisie par le gouvernement pour remplacer la «taxe santé». Mais aux Finances, on travaille manifestement sur un scénario à long terme. On collige en effet les prévisions jusqu'en 2014-2015, au cas où le «politique» déciderait de ne pas faire de budget au printemps prochain pour éviter la menace d'être défait à l'Assemblée nationale - un verdict qui forcerait le déclenchement d'une nouvelle campagne électorale.

Une croissance réduite

Les agences d'évaluation de crédit de New York tiennent au respect du plan de match du dernier budget Bachand - retour au déficit zéro dans le prochain budget. Officiellement, le gouvernement affirme être aux prises avec un sérieux dérapage en 2012-2013 - plus de 1,6 milliard de dollars, liés à la fois à des dépassements de dépenses et à des diminutions de recettes. Ainsi, on prévoyait une croissance de 1,5%, mais elle sera plutôt d'environ 0,6%, ce qui entraîne une perte de revenus de 500 millions.

En réalité, du côté des dépenses, le Trésor a déjà tiré sur le frein - la Santé voguait vers 1 milliard de dépassements et l'Éducation, 500 millions, a-t-on expliqué récemment aux mandarins. Des dépassements de budget sont aussi prévus du côté des infrastructures. On attend à ce sujet un rapport d'Infrastructure Québec avant la fin de l'année.

Projet de loi numéro un

Format habituel pour ce type de sortie, Mme Marois restera plutôt vague sur la plupart des sujets. Elle se fera toutefois un peu plus précise sur les questions d'intégrité.

Le projet de loi numéro un devrait être déposé dès jeudi à l'Assemblée nationale: les entreprises qui feront affaire avec l'État devront montrer patte blanche et être admissibles à une liste de firmes qui répondront à une série de critères préétablis par Québec. Le Trésor gérait déjà une liste d'entreprises «non admissibles», mais il fallait juridiquement renverser l'argumentaire pour établir que faire affaire avec le gouvernement «n'est pas un droit, mais un privilège». Dans un premier temps, le gouvernement visera les plus importants acteurs du secteur de la construction. Mais, rapidement, toutes les activités seront jaugées à cette aune, des projets liés à l'informatique aux contrats municipaux en général.

Le financement des partis réduit

En ce qui concerne le financement des partis, le discours confirmera des intentions déjà formulées publiquement par le gouvernement. La contribution maximale à un parti politique passera de 1000$ à 100$, le crédit d'impôt pour ces dépenses sera aboli et le gouvernement redistribuera les 6 millions qu'il consent pour cette dépense fiscale aux partis politiques, proportionnellement au nombre de voix obtenues lors des élections. Cette législation devrait être déposée avant les Fêtes.

Le ministère des Affaires municipales prépare aussi un projet de loi qui lui permettrait de suspendre un maire visé par des accusations criminelles. Une telle loi toucherait le maire de Mascouche, mais pas celui de Laval, car aucune accusation n'a été portée contre Gilles Vaillancourt.

Mme Marois, c'est à prévoir, réitérera son engagement de campagne électorale quant à la création de places en garderie. Québec s'engage ainsi à débloquer tous les appels de projets laissés sur la glace, dont une première tranche au cours des 18 prochains mois. L'an prochain, on lancera la deuxième série d'appels de projets, ce qui devrait compléter le réseau.

En ce qui concerne Montréal, le discours inaugural reprendra les engagements de campagne électorale du Parti québécois. On a déjà injecté 12 millions en 2009 pour mettre en place un bureau d'étude pour le prolongement des trois lignes de métro - la ligne bleue vers l'est, la jaune vers Longueuil et l'orange vers Laval, d'ici 2019. Mais demain, Mme Marois promettra que Québec devrait établir clairement qu'il donne priorité à la ligne bleue, comme on l'a indiqué en campagne électorale, sans toutefois être trop précise sur l'échéancier. En fond de scène, Québec voudra favoriser la relance de l'est de Montréal, souvent oublié dans la distribution des projets structurants. Transports Québec devra produire un calendrier pour le projet.

Sur la question de la langue, le gouvernement péquiste reprendra ses engagements de campagne: une nouvelle Charte de la langue sera déposée au plus tard au début du mois de décembre. On souhaite appliquer les principes de la loi 101 à l'admission au collégial, ce qui empêcherait les francophones et les allophones d'accéder aux cégeps anglophones. Mais on sait très bien que, minoritaire, le gouvernement ne pourra aller très loin dans l'adoption de ces projets controversés.