De nouvelles mesures pour garantir l'intégrité des entrepreneurs qui font affaire avec l'État sont dans les cartons du ministère du Travail depuis le printemps dernier, au moment où les libéraux étaient au pouvoir. Certaines pourraient se retrouver dans la loi 1 du gouvernement Marois, qui a toutefois l'intention d'aller plus loin.

Selon des documents détaillés que La Presse a obtenus, et qui ont circulé au ministère et à la Régie du bâtiment en mai et juin, des resserrements à la loi 35 sur la fraude dans l'industrie de la construction étaient en préparation au printemps. Le gouvernement Marois a pourtant laissé entendre le contraire dans les derniers jours.

L'un de ces documents affirme que la ministre du Travail de l'époque, Lise Thériault, demande l'accord du Conseil des ministres pour déposer un projet de loi «resserrant les conditions de délivrance et de maintien des licences d'entrepreneurs de construction».

On explique que des modifications législatives sont nécessaires afin d'éviter le contournement de la loi et l'utilisation du «voile corporatif». Québec voulait corriger les failles de la loi 35, adoptée en décembre dernier. Cette loi vise à empêcher un entrepreneur d'obtenir des contrats publics pour une durée de cinq ans lorsqu'il est reconnu coupable de fraude fiscale ou d'une infraction criminelle grave - gangstérisme, banditisme, importation de drogue, production de cannabis. Il reçoit une licence «restreinte» qui lui permet de décrocher uniquement des contrats privés.

Selon les mesures en préparation au printemps, on voulait qu'un entrepreneur et les sociétés auxquelles il est lié soient privés de contrats publics dès le moment où il est accusé d'un acte criminel grave ou de fraude. Ainsi, une licence «limitée» - un nouveau concept - serait remise aux sociétés dont l'un des dirigeants ou l'un des actionnaires fait l'objet d'une poursuite, peut-on lire dans les documents obtenus.

Québec voulait ajouter la corruption de fonctionnaire, l'abus de confiance, l'extorsion et le complot à la liste des infractions graves. Il prévoyait également qu'un entrepreneur accusé contamine toutes les entreprises avec lesquelles il a un lien même minime - un petit nombre d'actions par exemple. En vertu de la loi 35, un entrepreneur reconnu coupable contamine seulement les sociétés dont il détient au moins 20% des actions avec droit de vote.

Les failles de la loi ont permis au groupe de Tony Accurso (Louisbourg SBC) de continuer de recevoir des contrats publics même si Simard-Beaudry et Constructions Louisbourg se sont reconnues coupables d'une fraude fiscale de 4 millions de dollars.

D'après un document du 16 mai, on entendait exiger à tout dirigeant d'une entreprise de construction d'avoir un «certificat de bonnes conduites», émis par la police.

Le gouvernement Marois a une intention semblable. Il parle d'un «certificat de bonnes moeurs». Mais contrairement à la mesure en préparation au printemps, le PQ souhaite que tous ceux qui veulent un contrat de l'État montrent patte blanche et obtiennent ce certificat. Ce serait le cas dans la construction, mais aussi en informatique ou dans le secteur de la santé.

Les documents obtenus détaillent les articles de loi que le gouvernement Charest voulait modifier. Ils présentent des commentaires pour chaque nouvelle mesure envisagée.

En juin dernier, Lise Thériault a dit à La Presse qu'elle avait l'intention de déposer un projet de loi à l'automne pour colmater les brèches de la loi 35. Pendant les élections, déclenchées le 1er août, Jean Charest avait pris des engagements qui, on le comprend maintenant, s'inspiraient des mesures en préparation au ministère du Travail.