Pierre Bibeau, vice-président de Loto-Québec éclaboussé par les allégations de Lino Zampito, n'a pas besoin de présentation au Parti libéral du Québec (PLQ). Il y a passé une bonne partie de sa vie professionnelle comme organisateur. Et il a profité de nominations qui l'ont envoyé à Loto-Québec et à la Régie des installations olympiques (RIO).

«C'est un génie de l'organisation. Il doit connaître un million de personnes au Québec», lance Robert Benoît, président du PLQ durant le gouvernement Bourassa de 1985 à 1989. M. Bibeau était alors conseiller spécial du premier ministre. «Je me souviens d'être entré dans son bureau, raconte-t-il. Pierre lisait le journal, parlait au téléphone et regardait la télé du coin de l'oeil en me faisant signe de lui dire ce que j'avais à dire, rapidement. C'est un personnage...»  

«Il sait s'entourer et il a de l'entregent, ajoute Ronald Poupart, qui était directeur des communications du deuxième gouvernement Bourassa. C'est quelqu'un de facilement accessible.»

M. Poupart était directeur général du PLQ en 1970 quand il a connu Pierre Bibeau, alors responsable de la section jeunesse.

À cette époque, Jean David présidait la commission jeunesse. Il est moins élogieux à l'égard de M. Bibeau. «Je l'ai revu à la fin des années 90, quand je suis revenu au PLQ. Je me suis demandé ce qu'il avait réalisé. Pour moi, c'est un professionnel de la politique, une personne qui tire des ficelles à gauche et à droite pour obtenir le pouvoir», lance-t-il.

Pierre Bibeau commence la politique très jeune. À 15 ans, il siège au conseil des loisirs de sa paroisse à Notre-Dame-de-Pierreville, petit village près de Nicolet. Après avoir été refusé en droit, il fait un baccalauréat en sciences politiques. Il travaille pour le PLQ dans les années 70 et 80, pour les jeunes puis comme organisateur. Quand Robert Bourassa retourne au pouvoir en 1985, il devient conseiller spécial à son cabinet.

Robert Benoît, député d'Orford de 1989 à 2003, a déjà affirmé que sous Jean Charest, le PLQ s'était transformé en «machine à amasser de l'argent». C'était un des rares libéraux à réclamer publiquement une commission d'enquête. Il assure toutefois que M. Bibeau était intègre. «J'en ai connu, des organisateurs politiques véreux, lance-t-il. Mais Pierre n'était pas l'un d'eux. Quand je voulais mettre quelqu'un à la porte et Bourassa hésitait, lui m'appuyait. Ç'a été le cas avec Roma Hains, qui était impliqué dans une petite affaire avec l'argent des scouts. Je m'étais aussi débarrassé d'un président d'association de Joliette qui en menait large. Pierre m'avait appuyé. On ne voulait pas en laisser passer», se souvient M. Benoît.

Système de favoritisme?



L'opposition péquiste était moins convaincue. À la fin des années 80, elle l'accuse d'être au coeur d'un système de favoritisme dans les contrats d'Hydro-Québec à la Baie-James. C'est M. Bibeau qui «call les shots» pour favoriser les entreprises proches des libéraux, disait alors Guy Chevrette.

Après la victoire libérale en 1989, il est nommé à la tête de la RIO. En 1992, l'opposition dénonce les dépassements de coûts à la RIO pour le Biodôme. Le projet devait coûter 40 millions de dollars. La facture s'élevait à 58 millions. Sous la direction de M. Bibeau, on avait changé les règles d'attribution. Cela favorisait les entreprises qui n'étaient pas établies à Montréal, comme SM, propriété de son ami Bernard Poulin.

À son arrivée au pouvoir en 1995, le gouvernement péquiste décide de ne pas renouveler le mandat de M. Bibeau. L'administration du maire de Montréal, Pierre Bourque, le nomme peu après à la tête du Parc des Îles (aujourd'hui la Société Jean-Drapeau). Après avoir piloté la vente de La Ronde au privé, il retourne en 2001 au PLQ.

En tant qu'organisateur, M. Bibeau participe à la victoire libérale en 2003. Quelques mois plus tard, on le nomme vice-président, communications et affaires publiques, de Loto-Québec. Il occupe toujours ces fonctions.

Avant d'obtenir ce poste, il a eu des démêlés avec l'ancien patron de Loto-Québec, Gaétan Frigon. À la fin des années 90, M. Frigon dirigeait la Société des alcools du Québec (SAQ). Le publicitaire Jean Brault, qui allait plus tard devenir un témoin vedette de la commission Gomery, estime ne pas avoir reçu sa juste part des contrats de cette société d'État. Un détective privé est engagé pour enquêter sur M. Frigon et son épouse. Il rencontrera à au moins deux reprises MM. Bibeau et Poupart pour parler de son rapport d'étape. Le PLQ et M. Brault ont tous deux démenti avoir engagé le détective privé.

M. Bibeau a aussi témoigné à la commission Gomery. Il y a été notamment questionné sur son passage au Parc des iles. Il a dit ignorer que le Groupe Everest touchait une double rémunération pour son travail sur l'ile Sainte-Hélène et revendait une partie des billets reçus gratuitement.

Controversé déjeuner



En 2009, alors conjoint de la ministre Line Beauchamp, il participe avec elle à un controversé déjeuner de financement organisé par deux vice-présidents de Genivar. Parmi les 15 à 20 invités figurent Domenico Arcuri, membre de la mafia, Lino Zambito et Paolo Catania, accusé depuis de fraude. M. Bibeau a déjà dit à La Presse qu'il ne savait pas que M. Arcuri était membre de la mafia.

Son fils Alexandre est aussi impliqué au PLQ. Il agit à titre d'organisateur dans la campagne à la direction de Philippe Couillard. Il était aussi chef de cabinet du ministre du Travail David Whissell en 2007. Un proche de M. Whissell, Christian Côté, aurait demandé 50 000$ à Lino Zambito pour débloquer une demande de subvention. M. Zambito s'en était plaint. Après un coup de fil de M. Bibeau à son fils, le problème aurait été réglé, a raconté M. Zambito à la commission Charbonneau.