La première ministre Pauline Marois, qui entreprend lundi matin une visite de trois jours à Paris, n'arrivera sans doute pas à faire dire au président Hollande que la France renouera officiellement avec la politique de «non-ingérence, non-indifférence», abandonnée par son prédécesseur Nicolas Sarkozy. Mais l'accueil chaleureux qu'elle recevra au plus haut niveau en dira long sur les sympathies socialistes envers le Québec en général et le Parti québécois en particulier.

«Les dirigeants français ne parleront pas de non-ingérence, non-indifférence. Il n'y aura pas non plus de nouvelle formule», prédit une source diplomatique française, pour qui, très nettement, «la formule est dans la forme», c'est-à-dire dans le programme de la visite.

Mme Marois, qui arrive du Sommet francophone de Kinshasa, n'est pas à Paris en visite officielle (dans le cadre des fameuses visites alternées de premiers ministres). Il s'agit d'une simple visite de travail, d'une prise de contact, entre le nouveau pouvoir socialiste et les souverainistes fraîchement élus.

Pourtant, la première ministre sera reçue avec tous les égards, à la faveur d'un programme chargé où figurent des rencontres avec le président Hollande lundi, le premier ministre Jean-Marc Ayrault mardi, les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, et le ministre de l'Économie et des Finances, Pierre Moscovici.

À travers ce programme, estime-t-on, la Gauche au pouvoir affiche ses bons sentiments envers des péquistes qui partagent ses vues sur la plupart des sujets.

Ce n'était pas le cas des libéraux de Jean Charest, l'ami de Nicolas Sarkozy, à qui on reproche d'avoir attendu une «bonne semaine» avant de féliciter François Hollande pour sa victoire. C'est encore moins le cas du gouvernement Harper.

«Entre les programmes de Harper et de Marois, il n'y a pas photo. Les socialistes et les péquistes sont politiquement sur la même longueur d'onde, qu'il s'agisse de politique fiscale, de gaz de schiste, de l'amiante, etc.», résume cette même source.

L'accueil qui sera fait à Pauline Marois reflétera cette proximité, sans que les dirigeants français aillent pour autant jusqu'à ressortir le «ni-ni» des placards, comme l'espèrent Mme Marois et son ministre des Relations internationales, Jean-François Lisée.

Interrogé sur le sujet la semaine dernière à l'issue d'une rencontre avec son homologue canadien, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius avait lui-même soigneusement évité de recourir à la fameuse formule. John Baird à ses côtés, il avait déclaré que la France pouvait très bien avoir d'«excellentes relations» à la fois avec le Canada et le Québec.

Paris n'a «pas d'atomes crochus» avec le Canada de Stephen Harper, qui avait été reçu à l'Élysée par le président Hollande quelques jours après l'élection présidentielle. Mais la France cherche à ménager cet allié, dont il a besoin des dossiers comme la Syrie, le Mali, la crise financière, des sujets «concrets», pour reprendre l'expression de M. Fabius, comme le Mali.

Entre-temps, le gouvernement fédéral surveillera de près cette première visite de Mme Marois. On dit d'ailleurs qu'il y a eu de «très fortes» pressions de l'Ambassade du Canada à Paris pour que la France «n'en fasse pas trop», quand même.

Pendant son séjour, la première ministre Marois rencontrera aussi des figures de la Droite, en l'occurrence trois anciens premiers ministres: François Fillon, Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin.