Le partage d'ambassades entre le Canada et la Grande-Bretagne est un nouvel irritant qui illustre la «remonarchisation» de l'identité canadienne amorcée par les conservateurs de Stephen Harper, a déclaré mercredi le ministre des Relations internationales, Jean-François Lisée.

M. Lisée a affirmé que cette mesure administrative s'inscrit dans le processus qui a incité Ottawa à remettre de l'avant le portrait de la reine Élizabeth II dans les ambassades, à rétablir le qualificatif «royal» à l'aviation militaire canadienne et à célébrer activement la Guerre de 1812.

Le ministre des Affaires étrangères du Canada, John Baird, et son homologue britannique William Hague ont annoncé lundi un plan visant à diminuer les coûts de leurs délégations à l'étranger en partageant certains locaux.

Lors d'une entrevue à La Presse Canadienne, à sa sortie du conseil des ministres, M. Lisée a affirmé que cette annonce est indissociable des décisions symboliques qui ont précédé au cours des derniers mois.

«Dans le contexte de la remonarchisation de l'identité canadienne, que M. Harper est en train de faire, ça a des relents de retour à l'Empire britannique», a-t-il dit.

M. Lisée n'est pas opposé à l'idée du partage d'ambassades pour diminuer les coûts des représentations, mais le choix de la Grande-Bretagne comme partenaire s'ajoute à une «accumulation de signaux».

«Si ce n'était pas dans ce contexte-là, je trouverais simplement que c'est une entente de bonne gestion des finances publiques au moment où on repense la façon de faire la diplomatie internationale à l'ère d'Internet, a-t-il dit. Mais parce que c'est dans ce contexte-là, c'est plus irritant.»

Loin de voir là un recul de la souveraineté du Canada à l'étranger, M. Lisée a affirmé son respect pour la diplomatie canadienne.

Le ministre a d'ailleurs affirmé qu'il n'était pas nécessaire d'avoir des immeubles dans chaque pays, ajoutant que ce ne serait pas le cas d'un Québec souverain.

«On peut avoir des locaux conjoints et ça se fait déjà assez souvent, un pays en représente un autre dans un endroit où on a décidé de ne pas être présent, a-t-il dit. Ici, ce qui est particulier, c'est que c'est systématiquement avec les Britanniques.»

À Ottawa, le cabinet de M. Baird n'a pas tardé à réagir, pour insister sur le fait que dans un contexte de restrictions budgétaires, rien ne justifie que le Canada soutienne seul le fardeau de coûteuses délégations à l'étranger.

«Une telle entente s'avérera très avantageuse pour les Québécois et, dans la foulée, pour tous les Canadiens, a écrit le porte-parole Joseph Lavoie dans un courriel. Un plus grand nombre de diplomates canadiens seront déployés sur le terrain, dans un plus grand nombre d'endroits, pour défendre nos intérêts et promouvoir nos valeurs, à un coût moindre pour les contribuables.»

Par ailleurs, M. Lisée a expliqué qu'il souhaite augmenter le poids du Québec à l'UNESCO, où son représentant fait partie de la délégation canadienne.

Reconnaissant que cette entente avec les conservateurs a contribué aux relations internationales québécoises, le ministre a exprimé le souhait de la revoir.

Son objectif est d'obtenir la même marge de manoeuvre dans ce forum qu'au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie, où le Québec a le statut de membre à part entière.

«Notre souhait est que cette entente soit plus semblable à ce qui se fait dans la Francophonie. C'est une des choses qu'on va regarder à mesure que le temps passe», a-t-il dit.