Devant le mécontentement suscité par la décision du gouvernement de hausser rétroactivement les impôts des contribuables qui gagnent plus de 130 000$ par année, le ministre des Finances, Nicolas Marceau, confirme qu'il pourrait y renoncer.

La Presse a révélé ce matin que le gouvernement Marois cherche un compromis pour financer l'abolition de la taxe santé.

En interview ce matin au 98,5 FM, M. Marceau a assuré que le PQ abolirait comme prévu la taxe santé. «Nos intentions sont très fermes», a-t-il affirmé. Cette perte de revenus sera compensée par une ponction sur les revenus des plus fortunés, mais il est prêt à discuter de la façon de le faire.

«Sur les moyens, nous sommes parlables. Nous sommes ouverts. Nous avons en campagne électorale mis sur la table notre scénario privilégié. [...] Partant de là, on est prêt à faire des discussions», a-t-il dit.

Ce qui est sur la table? Les trois mesures qui devaient servir à financer l'abolition de la taxe santé: la hausse du taux d'imposition pour les plus fortunés, la hausse de l'impôt sur le gain en capital et la baisse du crédit d'impôt sur les dividendes. M. Marceau pourrait atténuer ces changements. Et surtout, il pourrait en annuler la rétroactivité. Il reconnaît qu'il serait particulièrement compliqué de modifier rétroactivement l'impôt sur le gain en capital ou les dividendes. «C'est clair que c'est plus difficile [que pour les paliers d'imposition] d'agir en rétroactivité. La mise en oeuvre de la taxation du gain de capital fait l'objet de discussions avec les fonctionnaires», a-t-il indiqué.

Le ministre a demandé à ses fonctionnaires d'examiner «plusieurs scénarios» pour trouver un compromis. Il soumettra ensuite ces solutions à l'opposition libérale et caquiste.

Pendant ce temps, des professeurs de fiscalité critiquent vigoureusement ce qu'ils qualifient de manque de transparence du nouveau gouvernement . Et des contribuables plus fortunés cherchent déjà des voies de contournement.

En campagne électorale, le Parti québécois avait promis d'abolir la taxe santé de 200$ par année que doivent payer près de 5 millions de Québécois (les gens à très faible revenu en sont exemptés). Pour la financer, on proposait trois mesures: créer deux nouveaux taux d'imposition (28% pour les revenus de 130 000$ à 250 000$, et 31% pour revenus de 250 000$ et plus), réduire de moitié le crédit d'impôt sur les dividendes et hausser de 50% à 75% la part imposable des gains en capital.

Or, la hausse des impôts sera rétroactive, a révélé Le Soleil samedi dernier. Elle s'appliquera à l'année 2012.

Le PQ n'a jamais parlé de rétroactivité en campagne électorale. Il a seulement promis d'abolir la taxe santé dans ses 100 premiers jours au pouvoir. «C'est ce que nous avons dit tout le long. Il n'y a pas de surprise là-dessus», a assuré M. Marceau.

Pourtant, dans les coulisses, des péquistes se sont dits renversés d'apprendre que cette hausse serait rétroactive. Eux-mêmes l'ignoraient.

«Ça n'a pas été dit explicitement, mais c'était implicite», a avoué à La Presse Luc Savard, fiscaliste à l'Université Sherbrooke, qui a vérifié le cadre financier du PQ. Pourquoi ne pas l'avoir dit explicitement? «Je pense que les côtés moins agréables de certaines politiques sont moins mis de l'avant pendant une campagne», a-t-il expliqué.

«Je n'ai jamais voulu faire autre chose que d'être transparent et clair. On avait dit que dans les 100 jours, il fallait aller de l'avant avec cela, s'est défendu M. Marceau ce matin au 98,5 FM. Il n'y a de surprise pour personne. Quelqu'un qui va me dire aujourd'hui qu'il est surpris, je me demande où il était dans la dernière année.»

Il reste que le gouvernement Marois est minoritaire ret qu'il a besoin de l'appui de l'opposition. «On ne peut pas aller de l'avant sans arriver à un compromis, une entente avec les autres partis, alors on va agir en conséquence», a reconnu M. Marceau.