Le Québec pourrait devenir la première province à offrir aux entreprises un droit de veto concernant les prises de contrôle à partir de l'étranger, en vertu de propositions de deux partis politiques qui pourraient avoir des implications ailleurs au pays.

Le plus récent engagement en ce sens du Parti libéral dirigé par Jean Charest, dont la promesse de lundi ressemble à une annonce précédente du Parti québécois, a poussé un analyste à prédire des prises de position similaires ailleurs au pays.

De son côté, la Coalition avenir Québec a proposé d'obliger la Caisse de dépôt à investir pour empêcher la prise de contrôle d'entreprise québécoise par des sociétés étrangères.

Selon Michel Nadeau, le directeur général de l'Institut pour la gouvernance d'organisations privées et publiques, les mesures anti-prises de contrôle rendraient un peu plus difficile l'acquisition d'entreprises québécoises par des sociétés étrangères. M. Nadeau estime également que les autres provinces pourraient alors être portées à amender leurs propres lois.

Les trois principaux partis politiques québécois ont tous promis, à des niveaux divers, des politiques pour empêcher les prises de contrôle étrangères au Québec - un sujet chaud en raison de l'offre d'achat de la chaîne de quincailleries Rona par le géant américain Lowe's.

La Cour suprême du Canada a jugé il y a quelques années, que Bell Canada devait tenir compte des intérêts de toutes les parties, et non pas seulement de ceux des actionnaires dans le cadre d'une dispute, note-t-il.

«Malheureusement, les provinces n'ont pas modifié leur législation. Le Québec sera le premier à le faire si les libéraux ou les péquistes sont élus, mais je suis certain que l'Ontario et les autres provinces feront de même pour imiter 27 États américains», a déclaré M. Nadeau lors d'une entrevue.

Ce dernier affirme également que son groupe a proposé des changements semblables au gouvernement libéral il y a 18 mois lorsqu'il a révisé des amendements à la loi sur les entreprises.

«Nous sommes très contents qu'au moins deux des trois principaux partis soient prêts à aller de l'avant, a-t-il dit. Ils ouvrent les yeux en raison de la campagne électorale et de l'affaire Rona, mais il s'agit d'une tendance nord-américaine.»

M. Nadeau a par ailleurs mentionné qu'une loi de l'Iowa avait en partie permis d'aider l'entreprise Casey's General Stores de se battre avec succès contre une prise de contrôle hostile d'Alimentation Couche-Tard, il y a deux ans.

Le conseiller en investissements Stephen Jarislowsky soutient de son côté que des entreprises importantes pourraient avoir besoin de la protection du gouvernement pour préserver certains sièges sociaux canadiens, mais il s'oppose à un changement touchant toutes les entreprises.

«Je ne crois qu'on doit donner un pouvoir absolu (sur les prises de contrôle étrangères) aux conseils d'administration», a-t-il déclaré.

Selon lui, un conseil d'administration devrait pouvoir étudier une telle transaction pendant une période de six à neuf mois avant de prendre une décision. «À moins d'un cas particulier (...), on ne doit pas avoir un règlement permettant à un conseil d'administration de refuser (une transaction impliquant une prise de contrôle par une entreprise étrangère)», a-t-il ajouté.