Il y a une semaine, Pauline Marois caracolait devant ses adversaires en multipliant les annonces de candidats vedettes. Au cours des derniers jours, ce sont plutôt Jean Charest et François Legault qui ont semblé avoir le vent dans les voiles. Avec la régularité d'un métronome, le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) parvient à faire quotidiennement les nouvelles.

Quant à Jean Charest, il annonce ses candidats par grappes: trois ex-adéquistes la fin de semaine dernière, trois «incorruptibles» au cours des prochains jours - deux ex-policiers, Robert Poëti et Jean Roussel, ainsi que l'ancien bâtonnier du Québec Gilles Ouimet.

La CAQ a en poche l'engagement du Dr Gaétan Barrette, et promet une autre grosse pointure.

On pourrait conclure que rien ne sert de courir, qu'il faut partir à point... Mais vous pouvez prévoir que Mme Marois remontera bientôt dans le peloton de tête, et qu'on s'échangera probablement la première place jusqu'au 4 septembre. La vraie morale de l'histoire? On est devant une course très serrée et le vent tourne rapidement.

Selon leur région, les électeurs auront une vision bien différente de la campagne. Depuis des semaines, Jean Charest arrose littéralement Québec de subventions. Et cela continuera. Le Parti libéral du Québec (PLQ) peut déjà compter sur 35 circonscriptions sûres, et il lui en faut environ 30 autres pour avoir une majorité à l'Assemblée nationale. Plusieurs de ces cibles sont à Québec, en Mauricie et à Laval. En dehors de Laval, les électeurs du 450 ne verront pas souvent la caravane libérale - on regardera plutôt le Parti québécois (PQ) et la CAQ s'y livrer une bataille sans merci.

Dans l'île de Montréal, pas d'enjeux pour le PLQ: les circonscriptions libérales le resteront. Seul le PQ aura à surveiller ses arrières, talonné par Québec solidaire (QS) dans quelques circonscriptions.

Jean Charest a annoncé avec tapage son «équipe du Plan Nord», avec les candidatures des maires de Lebel-sur-Quévillon et de Fermont. Ungava existe depuis 32 ans, et après sept élections, on y a toujours voté pour le PQ. Dans Duplessis, on vote PQ depuis 1976. Les journalistes qui suivent la caravane libérale n'auront pas besoin de chasse-moustiques.

Stabilité contre changement

Avant même que ne soit donné le signal de départ, mercredi, le positionnement des trois partis est prévisible.

Jean Charest le fait déjà depuis quelques jours: le PLQ proposera la stabilité, un gouvernement «responsable» au moment où les nuages semblent s'accumuler dans l'horizon économique. Cela a déjà fait recette - en 2008, le gouvernement savait parfaitement que la Caisse de dépôt naviguait vers une perte de

40 milliards, mais Jean Charest se proposait tout de même comme capitaine et promettait d'éviter les écueils qui se profilaient.

On ne pourra accuser François Legault de tergiverser. En rendant public le slogan de campagne de la CAQ - «C'est assez, faut que ça change» -, la CAQ prend une option sur le concept du changement... Un souhait que répètent jusqu'à plus soif les participants aux groupes de discussion.

Sur ce terrain fertile, il risque de damer le pion au PQ. Pauline Marois devra jouer de prudence... On se rappelle qu'elle avait laissé échapper qu'elle pourrait se tourner vers l'impôt pour remplacer les hausses des droits de scolarité. Elle avait toutefois corrigé le tir par la suite.

Pauline Marois voudra parler du «bilan du gouvernement», un détour pour braquer les projecteurs sur les déboires du gouvernement Charest en matière d'éthique, pour rappeler les problèmes d'un Tony Tomassi et les critiques acerbes du Vérificateur général à l'endroit de l'attribution des permis de garderie et des subventions d'infrastructures sportives. Un gros défi pour un mois d'août, où les électeurs risquent d'être passablement indifférents devant la bagarre des trois chefs

de parti.

Débat autour des débats

Mais le débat télévisé des chefs, un passage obligé, est susceptible de secouer cette torpeur. Il ne surviendra cependant pas avant deux semaines, voire trois. Et déjà bien des embûches sont à prévoir. Le consortium habituel des diffuseurs risque d'éclater - TVA négocie déjà de son côté la tenue de plusieurs débats où seuls les chefs des trois principaux partis pourraient participer. On ne veut rien savoir d'une bataille à cinq avec Amir Khadir et Jean-Martin Aussant.

Or, si on se fie aux précédents, il pourrait être difficile de refuser un siège à Québec solidaire, qui a un chef élu à l'Assemblée nationale, tout en accueillant François Legault, qui n'est pas élu et dont la formation n'est pas davantage reconnue que QS ou Option nationale à l'Assemblée nationale. Un beau casse-tête en perspective.

Il faut prévoir que le PLQ sera plutôt favorable à l'idée de plusieurs débats - Jean Charest peut espérer y marquer des points, même si Pauline Marois n'avait pas mal fait lors de l'affrontement de 2008. Ici, c'est François Legault, qui a moins le sens de la répartie, qui risque gros.