«Pathétique!» Quelques heures à peine après l'annonce que Linda Lapointe, ex-adéquiste, serait candidate libérale dans la circonscription de Groulx, François Legault avait déjà l'air de régler des comptes sur Twitter avec cette amie de longue date.

Mme Lapointe avait contribué financièrement à la Coalition avenir Québec (CAQ) en 2011. En 2012, elle avait pris fait et cause pour la fusion avec l'Action démocratique du Québec (ADQ) et était restée proche du nouveau mouvement... jusqu'à ce que François Legault lui annonce qu'il voulait réserver la circonscription de Groulx à la mairesse de Rosemère, Hélène Daneault.

La campagne électorale qui s'annonce sera à coup sûr palpitante. Et pas seulement à cause des enjeux, de l'incertitude quant aux suites du conflit étudiant ou des sombres perspectives économiques. La technologie permet désormais d'assister à de véritables collisions, en temps réel, entre les candidats. Quelque chose qui ressemblerait aux «assemblées contradictoires» qui faisaient courir nos grands-parents, mais où, technologie oblige, tout le monde pourrait grimper sur l'estrade en même temps pour y aller de son boniment.

«Ça va brasser ce soir, Legault écrit en majuscules!», prédisait d'ailleurs un internaute, dimanche.

Les journalistes politiques se souviennent encore du jour où une retraitée avait lancé à Brian Mulroney: «Tu nous a menti et après, c'est bye bye Charlie Brown!» Cela fait près de 30 ans. Avec les médias sociaux, les politiciens se font maintenant interpeller quotidiennement.

Animosité

«Je comprends ta déception», a répondu Mme Lapointe à François Legault, en ajoutant que le Parti libéral (PLQ) était le seul parti fédéraliste, une donnée fondamentale pour elle. «Pathétique», a aussitôt rétorqué M. Legault. Dur coup pour celui qui lui avait proposé, en vain, la circonscription voisine de Saint-Jérôme. La femme d'affaires des Laurentides faisait partie des invités aux anniversaires du chef caquiste, et elle était même proche de la femme de François Legault.

La rancoeur et la colère sont des sentiments vieux comme le monde, mais avec la technologie, leur expression est décuplée. «La vérité est que tu étais prête à te présenter pour la CAQ dans Groulx et on a refusé», a révélé Legault, sans merci pour l'ex-amie.

Au même moment, il entretenait un autre duel avec Pascal Beaupré, ancien adéquiste qui tentera un retour, encore dans Joliette, mais cette fois pour les libéraux. Un autre candidat qui aurait été refusé par la CAQ, selon M. Legault - ce que M. Beaupré nie vigoureusement. D'Artagnan aussi savait se battre avec deux épées à la fois...

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François Legault a plus de 10 000 «suiveux» sur Twitter, à portée de clavier de bien des disciples... et de beaucoup d'adversaires.

En une seule journée, François Legault a déjà publié plus de 60 de ces courts messages qui ne peuvent dépasser 140 caractères et qui sont susceptibles d'être lus par tous les électeurs du Québec... et de la planète.

Au Parti québécois (PQ) et au PLQ, on regarde avec un peu d'appréhension ces nouveaux médias. On craint notamment qu'un obscur militant n'obtienne une notoriété aussi subite qu'embarrassante en croisant le fer avec un adversaire politique, voire un chef de parti. La résonance imprévue de la vidéo amateur où Pauline Marois jouait de la casserole durant l'élection complémentaire d'Argenteuil montre bien que ces outils technologiques peuvent causer des dommages collatéraux.

Il y a quelques semaines, le candidat péquiste vedette Pierre Duchesne et le directeur général du PLQ, Karl Blackburn, deux fils du Saguenay, se sont enferrés dans des échanges déplorables du genre: «Je ne suis pas dans ta gang!» - de véritables prises de bec de taverne.

Prudence et discrétion

On disait qu'ils s'étaient fait mettre un pavé sur la langue. Devra-t-on parler d'une enclume sur le clavier? Au PQ, des gazouilleurs compulsifs, comme le député Yves François Blanchet ou le conseiller Stéphane Gobeil, sont bien moins volubiles. Les «goons» du cyberespace sont désormais moins diserts sur les réseaux sociaux depuis qu'on les a incités à jouer de prudence.

Du côté du PLQ, ces interventions sont clairement plus centralisées... et dirigées par la permanence du parti. Il y a trois semaines, une légion d'employés politiques libéraux se sont inscrits en même temps sur Twitter, autre signe de l'approche des élections, plutôt inédit celui-là.

Cette semaine, sans trop s'en rendre compte, on a pu constater que ces gadgets technologiques allaient changer de façon irréversible la façon de faire campagne. La vedette péquiste Léo Bureau-Blouin a décidé d'opter pour Twitter afin d'annoncer officiellement sa candidature dans Laval-des-Rapides. Que les dinosaures se le tiennent pour dit: la conférence de presse traditionnelle n'était prévue que le lendemain.

Avec les médias sociaux, tout a changé en politique... hormis le désir du pouvoir.