Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre une personnalité qui s'est retrouvée au coeur de l'actualité et lui pose 10 questions. La 11e question provient du public. Cette semaine, notre journaliste s'est entretenue avec Pauline Marois, chef du Parti québécois.

1 Cette semaine, vous avez annoncé que vous retiriez votre carré rouge. Pourquoi?

Je crois qu'il faut passer à autre chose. Je l'ai porté avec fierté, j'ai défendu ce qu'il représente, soit la priorité à l'éducation et l'équité pour les étudiants. Nous portons toujours la cause étudiante et contrairement à ce que M. Charest a dit [que le parti avait été opportuniste], nous l'appuyons depuis avril 2011, lorsque nous avons proposé l'annulation de la hausse des droits de scolarité et la tenue d'un sommet sur l'éducation où nous formulerions des offres. À l'approche de la Fête nationale, nous portons le fleurdelisé, c'est rassembleur.

2 Diriez-vous que la session parlementaire qui vient de se terminer est la pire que vous avez vécue?

C'est l'une des pires, effectivement. Au-delà du climat, il faut dire qu'il ne s'est rien passé, c'est-à-dire qu'aucun projet de loi majeur n'a été adopté. Le premier ministre Charest est allé de crise en crise, de la création de la commission Charbonneau à la crise étudiante qu'il n'a pas réussi à résoudre. Pire, il l'a provoquée en jetant de l'huile sur le feu. Ce gouvernement n'a aucune grande réalisation à son actif, c'est le pire gouvernement qu'on a eu depuis longtemps.

3 L'avocate de votre parti, Me Estelle Tremblay, a été particulièrement agressive à l'endroit de Jacques Duchesneau cette semaine à la commission Charbonneau, ce qui a fait dire à plusieurs que le Parti québécois a sans doute des choses à cacher. Que leur répondez-vous?

Non, pas du tout. C'est vrai qu'elle y est allée un peu fort. Elle a fait son travail avec beaucoup de sérieux, mais elle n'avait pas pour mandant d'attaquer Jacques Duchesneau. Mais quand ce dernier affirme que 70% de l'argent des élections est sale, je ne peux pas l'accepter. Nous, on ne procède pas de cette façon. C'est une affirmation très grosse et je veux voir le contenu du rapport qui dit cela. Dans notre parti, le financement se fait dans les circonscriptions, par les militants, à coups de 10, 20, 50 ou 100$. Et notre financement n'augmente pas lorsque nous sommes au pouvoir. Nous n'acceptons pas ce genre d'affirmation.

4 M. Duchesneau ne fait aucune distinction entre les partis lorsqu'il parle de financement. Pourquoi les électeurs devraient-ils faire une distinction entre le Parti québécois (PQ) et le Parti libéral (PLQ)?

C'est pour cette raison que l'avocate a réagi fermement, car M. Duchesneau ne prend même pas la peine de distinguer les partis provinciaux des partis municipaux. Il entraîne tous les partis dans son sillage et c'est très dommageable. Au Parti québécois, nous respectons toutes les règles établies par le Directeur général des élections. Nos livres sont ouverts, nous n'avons rien à cacher.

5 Est-ce vraiment réaliste d'envisager la politique sans aucune collusion ni corruption? Quelles règles mettriez-vous en place si vous étiez élue?

Je crois qu'il est possible qu'il n'y en ait pas, même s'il y aura toujours des individus malhonnêtes dans tous les pays du monde. Sous René Lévesque, notre gouvernement a voté un code d'éthique très sévère pour les députés et les ministres. De René Lévesque à Bernard Landry, je n'ai pas souvenir d'un cas signalé dans lequel un ministre aurait été impliqué. Au contraire, devant un cas éthique, notre gouvernement a toujours réagi fortement, que ce soit en adoptant une loi sur le lobbyisme ou en congédiant une personne qui ne respectait pas les règles, comme ce directeur général qui conseillait également les festivals. C'est ce qui me blesse et me choque quand M. Duchesneau laisse entendre que tous les partis sont pareils. J'espère que la commission Charbonneau va accoucher de propositions que je m'engage à mettre en application lorsque je serai élue.

6 Si vous êtes élue et que la crise étudiante n'est pas terminée, comment la réglerez-vous?

Mes propositions sont connues, elles sont sur la table: je gèlerais la hausse et je tiendrais un sommet sur l'éducation dans lequel il n'y aurait aucun sujet tabou. Il y a des étudiants qui souhaitent la gratuité, alors on en parlerait aussi.

7 Comment expliquer que, malgré les déboires des libéraux, le PQ ne fasse pas meilleure figure dans les sondages?

Nous sommes dans une situation où il y a quatre partis, trois plus significatifs et un plus marginal, et dans un contexte où les gens en ont marre, ils ont tendance à stationner pour un ou l'autre des partis. C'est aux urnes que ça va se jouer. Bien sûr, les gens sont fatigués de la crise et peuvent être sensibles à un discours sur la loi et l'ordre [un point sur lequel le gouvernement Charest a l'intention d'insister, comme on l'a vu dans ses documents stratégiques]. Mais il ne faut pas oublier le bilan catastrophique de ce gouvernement et j'ai bien l'intention de le rappeler au cours des prochains mois.

8 Selon vous, la Coalition avenir Québec (CAQ) va-t-elle nuire davantage au PQ ou au PLQ?

Je crois qu'elle va nuire au PLQ, car les deux partis défendent les mêmes positions, que ce soit sur la loi 78, la hausse des droits de scolarité ou l'exploitation des ressources naturelles. La CAQ, c'est le Parti libéral sans Jean Charest.

9 On parle d'alliance possible entre le Parti québécois et Québec solidaire (QS). L'envisagez-vous sérieusement?

On a déjà tendu la main à QS à la fin de 2011 et on avait été accueillis par une fin de non-recevoir. Québec solidaire est très critique à l'endroit du PQ. La semaine dernière, ils ont publié une lettre dont les trois quarts disaient que nous étions un mauvais parti. Je rappelle que le Parti québécois est une coalition et que tout le monde est bienvenu, mais il me semble difficile d'envisager une alliance quand Françoise David se présente dans Gouin, où nous sommes déjà, et quand Amir Khadir affirme que les quatre circonscriptions qui l'intéressent sont toutes représentées par le PQ. Il faut qu'il y ait de la bonne foi quelque part, on ne peut pas se battre entre nous.

10 Quel message vouliez-vous transmettre dans votre vidéo diffusée cette semaine?

D'abord, j'aimerais dire que nous avions enregistré cette vidéo avant la diffusion de celle de Jean Charest, ce n'est donc pas une réplique à la sienne. C'est un message de rassemblement et d'espoir. Nous avons vécu des mois difficiles à cause de ce gouvernement qui a divisé les Québécois et on a besoin de se rassembler. Je crois que la Fête nationale est un bon moment pour cela.

TWITTER +1 Considérez-vous avoir fait une erreur en portant le carré rouge? Marc-Antoine Paquin @MAntoinePaquin

Non. Nous l'avons fait en toute bonne foi, dans un contexte où il n'y avait pas de débordements comme ceux qu'on a connus. J'ai été fière de le porter et je porte toujours la cause des étudiants. Cela dit, j'espère toujours que le premier ministre choisira de résoudre la crise par la médiation, car nous allons vivre des élections qui ne seront pas faciles.