Le Tribunal administratif du Québec (TAQ) est plongé dans une profonde crise informatique, un constat qui s'ajoute aux problèmes criants de gestion révélés par le vérificateur général il y a trois semaines.

L'ensemble des neuf projets informatiques ouverts par le TAQ se dirige tout droit vers des dépassements de coûts, révèle un bilan officiel obtenu par La Presse.

En moyenne, chaque dossier coûtera presque deux fois ce qu'il devait coûter au départ si un coup de barre majeur n'est pas donné. Le coût prévu de ces projets, soit 10 millions, pourrait se transformer en facture de presque 20 millions à terme.

Pour le projet qui vise à «doter le TAQ d'une architecture d'entreprise», par exemple, 21,7% de l'enveloppe prévue a déjà été dépensée, pour seulement 2% de «réalisation».

Dans un autre cas, pour «l'uniformisation des informations» et «la production de divers rapports de gestion», 183 000$ ont déjà été dépensés sur les 196 000$ prévus. Mais le projet n'est achevé qu'à 67%.

À l'interne, les problèmes de la filière informatique sont d'ailleurs de notoriété publique, avec des changements constants de personnel, a confié une source à La Presse.

Le Tribunal administratif du Québec refuse catégoriquement de s'expliquer sur ces  dépassements de coûts potentiels et plus généralement sur sa gestion des fonds publics. Il soutient qu'«il ne parle que par ses décisions». Toutes les demandes d'entrevue de La Presse se sont heurtées à une fin de non-recevoir.

Perte d'expertise

Sylvie Roy, de la Coalition avenir Québec, a elle aussi analysé ces données. Elle soutient que les problèmes vécus par le gouvernement quant aux projets informatiques ont les mêmes sources que ceux du domaine de la construction: le manque d'expertise fait mal au portefeuille du contribuable.

«L'expertise est dans des firmes privées» et le gouvernement doit s'appuyer sur celles-ci à toutes les étapes de la réalisation de chaque projet, sans réelle surveillance adéquate, avance-t-elle.

La conséquence de ce problème, c'est qu'«on est déjà rendus au double» du coût prévu pour l'ensemble des projets.

Nouvelle tache

Les dépassements de coûts des projets informatiques ne constituent pas la seule tache au dossier du TAQ.

À la fin du mois de mai, le vérificateur général du Québec a souligné dans son rapport que «sa performance s'est détériorée au cours des dernières années et ses systèmes de gestion ne favorisent pas l'efficience». Quelques semaines plus tôt, neuf des dix juges coordonnateurs de l'organisation avaient démissionné pour souligner la mauvaise gestion qui sévissait.



275$ l'heure pour un porte-parole

Il n'y a pas que les contrats informatiques qui coûtent cher au TAQ. L'organisme a accepté de verser des honoraires de 275$ l'heure au criminaliste Jean-Claude Hébert pour représenter le Tribunal «auprès des médias» dans le dossier Guy Turcotte. Au total, il a exigé 19 227$ l'an dernier pour ce seul mandat.Pourtant, le même avocat accepte de travailler pour 200$ l'heure pour le Directeur des poursuites criminelles et pénales, dans un dossier où il agit à titre d'avocat. L'avocat réputé a refusé de commenter les informations de La Presse

- Avec Denis Lessard