La vidéo d'une réception privée à la résidence de la famille Desmarais, à laquelle ont participé une centaine de personnes, dont le premier ministre Charest, a soulevé des critiques de l'opposition, à l'Assemblée nationale.

La vidéo d'environ deux heures a été mise en ligne par la nébuleuse Anonymous. Elle présente une réception luxueuse donnée en 2008 pour l'anniversaire de Jacqueline Desmarais, épouse de Paul Desmarais père, président du comité exécutif de Power Corporation, qui détient La Presse. L'événement se déroule à leur résidence de Sagard, dans Charlevoix. On y aperçoit d'ex-politiciens comme Lucien Bouchard, Brian Mulroney, Jean Chrétien et George Bush père, ainsi que des membres de la communauté artistique comme Luc Plamondon, Robert Charlebois, Marc Hervieux, Yannick Nézet-Séguin et Renée Fleming.

M. Charest y était aussi, en compagnie de son épouse. L'opposition estime qu'il n'aurait dû pas y être. «Il est le premier ministre du Québec, alors il aurait dû se garder une petite gêne», a réagi le député péquiste Nicolas Girard. Il souligne que le premier ministre a assisté à cette soirée en 2008, alors qu'il «n'a pas pris le temps de rencontrer les étudiants (plus que 30 minutes) depuis le début du conflit».

«Qu'il y ait des partys privés avec beaucoup de gens impliqués, je pense que c'est normal, a quant à lui réagi le chef de la CAQ, François Legault. Mais que le premier ministre ait passé deux jours chez quelqu'un, je pense qu'il faut faire preuve de jugement. Il aurait peut-être dû refuser cette invitation-là. Ces personnes-là se retrouvent dans des grands bals à Montréal, à peu près de la même façon. Mais c'est plutôt un séjour de deux jours chez quelqu'un qui fait qu'on peut se poser des questions.»

M. Charest ne s'est pas placé en conflit d'intérêt, soutient son attaché de presse, Hugo d'Amours. «Le premier ministre participe constamment à des événements, parfois publics, parfois privés, dans lesquels il est photographié et filmé. Il ne s'en cache pas. Il a participé à cet événement avec une centaine d'autres personnes. Il a aussi déjà été invité chez Pierre-Karl Péladeau. Les politiciens ne vivent pas dans des bulles de verre. Ils participent à des événements sociaux, comme les autres personnes.»

«Que le premier ministre rencontre de temps entemps le patronat tout comme les syndicats ou les étudiants, c'est tout à fait normal», a dit le chef d'Option nationale, Jean-Martin Aussant. Mais il juge « anormal » que le premier ministre ait dormi sur place. «Je pense qu'il devrait avoir un détachement beaucoup plus sain entre le premier ministre et les intérêts privés comme ceux de M. Desmarais», a-t-il affirmé.

Selon le député de Québec solidaire, Amir Khadir, M.Charest a violé les directives d'éthique pour les ministres, qu'il a lui-même mis en place. Ces directives se trouvent maintenant dans le nouveau code d'éthique des élus.

«Dans ce qui a été rendu public, il n'y a rien qui peut nous porter à croire qu'il y a eu des activités de lobbying», a affirmé, quant à elle, la porte-parole du Commissaire au lobbyisme, Louise-Andrée Moisan.

Elle indique que le commissaire fait par contre présentement une vérification sur une visite à Sagard l'été dernier du patron de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Michael Sabia.

René Villemure, président-fondateur de l'Institut québécois d'éthique appliquée, dit ne «pas nécessairement» voir de problème éthique à la participation du premier ministre Charest. «La réception était un événement privé, mais (M. Charest) n'était pas convoqué seul. Et même si l'événement était discret, il n'était pas secret. C'est une situation très différente, par exemple, d 'une invitation pour une personne sur le yacht d'un entrepreneur. J'ajouterai qu'il ne semble pas avoir reçu un avantage autre que la participation à la soirée.»

Il se dit par contre «plus tatillon» pour la visite privée de M. Sabia.