Les intentions de vote sont peut-être devenues aussi imprévisibles que le marché boursier, une seule chose reste relativement stable dans les sondages, constate la sociologue Claire Durand: le vote souverainiste. «L'appui à la souveraineté reste stable depuis quelques années. Il fluctue un peu sous les 40%, ce qui est son plancher.»

Les intentions de vote sont peut-être devenues aussi imprévisibles que le marché boursier, une seule chose reste relativement stable dans les sondages, constate la sociologue Claire Durand: le vote souverainiste. «L'appui à la souveraineté reste stable depuis quelques années. Il fluctue un peu sous les 40%, ce qui est son plancher.»

Mais cet électorat vieillit. «Le projet souverainiste ne semble pas s'être renouvelé chez les jeunes», dit-elle. Aujourd'hui, ces derniers ne sont pas plus souverainistes que les autres électeurs.

Mme Durand a analysé 695 sondages sur la souveraineté réalisés depuis la fin des années 70. En 1980, les 18-34 ans formaient le groupe le plus souverainiste. En 1995, ils sont restés partisans du OUI, et la nouvelle génération les a imités. «Mais cet appui est plus faible du côté des 18-34 ans d'aujourd'hui. Cela accrédite la thèse voulant que la souveraineté était le projet d'une génération plutôt que le projet des jeunes», conclut Mme Durand.

Certains péquistes ont déjà sonné l'alarme. En 2006, après une tournée dans 25 villes du Québec, trois jeunes députés péquistes ont publié un rapport intitulé La révolution verte et bleue. Aux yeux de la nouvelle génération, la souveraineté devenait «dépassée, désuète et vétuste». Les thèmes identitaires ne réussissaient pas à les rallier. Il fallait donc arrimer la souveraineté à l'environnement et aux idées progressistes. Un paradoxe leur a toutefois échappé: même si les jeunes francophones sont moins indépendantistes, ils sont plus nombreux à se définir comme Québécois.

Malgré ce vieillissement, l'appui à la souveraineté reste stable depuis quelques années, même quand le vote pour le PQ vacille. Ce fut le cas l'été dernier quand les portes se sont mises à claquer au Parti québécois, ou après le naufrage du Bloc en mai 2011.

En fait, le résultat est stable à deux conditions: s'il n'y a pas de crise du fédéralisme et si on pose la même question, note Mme Durand. Car le terme employé influence grandement le résultat. La souveraineté assortie d'un partenariat récolte le plus d'appuis. Seule cette option a réussi à rallier une majorité de sondés depuis le dernier référendum. Mais elle n'est plus posée par les sondeurs. Sa dernière utilisation remonte à 2007.

Une mesure fiable?

Les sondages sur la souveraineté comportent deux biais importants, soutient Mme Durand. La répartition proportionnelle des indécis gonfle l'appui au OUI. «Comme on l'a vu au référendum de 1995, des deux tiers des indécis environ finissent par choisir le NON», note-t-elle. Et quand un parti fédéraliste gouverne le Québec, la question devient «hypothétique». «Une question qui ne se pose pas dans le débat public, c'est une question qui devient peu fiable. C'est comme pour les récents sondages au fédéral. Les prochaines élections n'auront lieu que dans quatre ans, alors il est difficile de dire qu'on mesure une intention de vote.»

Depuis quelques années, les sondages sur la souveraineté mesurent moins une intention de vote qu'une identité, estime la sociologue. Jean-François Lisée est d'accord avec cette interprétation. «Et pour un souverainiste, c'est une excellente nouvelle, lance-t-il. Ça prouve que la souveraineté n'est plus une opinion. C'est devenu une façon d'être. C'est plus solide, ça ne dépend plus de la conjoncture», se réjouit le membre du Comité sur la souveraineté et ancien conseiller des premiers ministres Jacques Parizeau et Lucien Bouchard.

Jean-Herman Guay, politologue à l'Université de Sherbrooke, ne partage pas cet avis. Il y a près de 10 ans, il avait suscité l'irritation du chef du PQ Bernard Landry en comparant la souveraineté au catholicisme. «Je pense toujours la même chose. Les Québécois s'en réclament, mais ça ne se traduit pas forcément par des comportements. Plusieurs ne sont plus pratiquants.»

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Liens suggérés

Sondages de l'Association d'études canadiennes (AEC) https://www.cyberpresse.ca/html/1230/Jedwab-PostConstitutionnalEra.doc



Étude des sociologues Claire Durand et François Yale sur l'évolution des sondages sur la souveraineté de 1976 à 2008 https://www.cyberpresse.ca/html/1230/Durand1976-2008.pdf



Étude des sociologues Claire Durand, François Yale et Mélanie Deslauriers sur l'évolution de l'appui à la souveraineté de 1976 à 2010 https://www.cyberpresse.ca/html/1230/Durand1976-2010.pdf



Sondage Léger Marketing sur le rapatriement de la constitution canadienne, commandé par l'Association internationale d'études québécoises https://www.scribd.com/doc/87050221/Sondage-30-ans-apres-le-rapatriement



Sondage de l'Union des artistes du Québec sur la souveraineté https://goo.gl/GRSf7



Sondage Léger Marketing-Le Devoir: "Division chez les électeurs péquistes" https://www.ledevoir.com/politique/quebec/186813/sondage-leger-marketing-le-devoir-division-chez-les-electeurs-pequistes



Conférence sur la "Quebec Question", organisée le 7 février 2012 à l'Université de Toronto https://quebecquestionconference.ca/



"Après 30 ans, l'état des lieux" : conférence sur la rapatriement de la constitution, 12 au 14 avril 2012, organisé par l'Association internationale d'études québécoises  https://rapatriement30ans.ca/



"Un regard sur notre Constitution 30 ans plus tard : l'influence de la Constitution canadienne et de la Charte des droits et libertés sur nos législations et identités et sur le fédéralisme": conférence organisée par l'Association d'études canadiennes, les 17 et 18 avril 2012 à Ottawa https://goo.gl/s8359