La ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, Christine St-Pierre, estime que la municipalité de Huntingdon va à l'encontre d'un «consensus de 35 ans» sur la place du français au Québec en acheminant des documents bilingues à ses citoyens.

Mme St-Pierre a soutenu mardi qu'aucune municipalité n'est «au-dessus des lois» et qu'il n'est pas question d'«ouvrir la Charte» sur cette question.

La Ville de Huntingdon, en Montérégie, a adopté lundi soir une résolution indiquant qu'elle «refuse» l'«ordre» de l'Office québécois de la langue française (OQLF) d'abandonner sa politique de «bilinguisme intégral en matière de services aux citoyens».

L'Office a transmis un avis à la Ville en janvier en fonction d'une plainte d'un citoyen sur l'application de la loi 101. L'organisme poursuit son enquête et pourrait transmettre le dossier devant le Directeur des poursuites criminelles et pénales, qui déterminerait si des amendes doivent être imposées.

Le maire de la municipalité de la Montérégie, Stéphane Gendron, a dit être prêt à tout pour maintenir les pratiques actuelles de la Ville.

«C'est clair, net et précis, peu importe qu'il y ait des condamnations, des amendes ou des injonctions, on va toujours continuer à servir notre population en anglais. On parle de nos anglophones, qui représentent un peu plus de 40 pour cent de la population. Ce n'est pas une loi qui n'a pas d'allure qui va nous empêcher de servir notre population», a déclaré le maire en entrevue.

Dans sa résolution, la Ville parle de l'obligation d'utiliser le français comme d'une «politique raciste et discriminatoire», qui ne permet pas de servir convenablement une large portion de sa population qui est anglophone.

Le maire a même mentionné en entrevue que les séances du conseil se déroulaient en «franglais». «En plein milieu d'une phrase, on passe à l'anglais. Si la question est posée en anglais, on répond en anglais, cela va de soi», a indiqué M. Gendron.

«L'Office peut bien aller lever la main ailleurs», a-t-il laissé tomber.

«C'est le monde à l'envers, qu'une Ville demande de ne pas respecter la Charte qui a fait consensus au Québec depuis 35 ans, a fait valoir la ministre St-Pierre. Il n'est pas question d'ouvrir la Charte. Il y a des règles claires sur le statut bilingue de certaines municipalités».

En vertu de la Charte, les municipalités dont plus de la moitié des résidants sont de langue maternelle anglaise peuvent demander à être exemptées de l'obligation de se limiter au français.

Mme St-Pierre a dit laisser l'Office faire son travail visant à s'assurer du respect de la Charte.

L'Office québécois de la langue française dit dans sa missive avoir reçu une plainte contre la Ville de Huntingdon concernant une «possible dérogation» à la Charte de la langue française.

Il souligne qu'un article stipule que la Ville doit «rédiger et publier dans la langue officielle ses textes et documents».

La Ville de Huntingdon n'est pas «tenue d'utiliser exclusivement le français», précise l'Office.

L'organisme ajoute toutefois qu'en transmettant des communications bilingues à ses citoyens, la Ville de Huntingdon donne l'impression d'une ville bilingue et «ne joue pas entièrement le rôle exemplaire attendu».

Dans le souci du respect de la Charte, les communications devraient être transmises aux citoyens en français seulement, et «une communication dans une autre langue pourrait ensuite être transmise aux personnes qui en font la demande», estime l'Office.

La résolution adoptée par le conseil de la Ville de Huntingdon, lundi soir, demande à l'Assemblée nationale et au gouvernement du Québec de «modifier la Charte de la langue française» afin de permettre à des communautés municipales comme la Ville de Huntingdon de «pouvoir servir ses citoyens dans la langue de communication de leurs choix».

La résolution dit «refuser et ignorer» les demandes de l'Office québécois de la langue française concernant «la langue anglaise sur le territoire de la Ville de Huntingdon».

«Le gouvernement du Québec - ou l'un de ces organismes - n'a pas la légitimité ni même la crédibilité pour imposer une telle politique raciste et discriminatoire à la Ville de Huntingdon et à ces citoyens puisque le gouvernement pratique lui-même une politique de bilinguisme (...) à travers les différents sites de ce même gouvernement et par son service bilingue à la clientèle», ajoute le texte de la résolution.