Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre une personnalité qui s'est retrouvée au premier plan médiatique et lui pose 10 questions en lien avec la couverture dont elle a été l'objet. La 11e question provient du public. Cette semaine, notre journaliste s'entretient avec Bernard Drainville, député péquiste de Marie-Victorin.

1 Pourquoi être sorti à ce moment-ci avec une proposition d'alliance avec Québec solidaire? Quel était votre objectif?

Je suis revenu des Fêtes convaincu qu'on était passé à travers la crise et que les démissions étaient derrière nous et bang! arrive la démission de François Rebello qui nous replonge dans la même atmosphère d'avant Noël. Parallèlement à ça, les sondages montrent que nous sommes encore dans une position de grande vulnérabilité. Je suis inquiet. La meilleure façon d'augmenter nos appuis, c'est de faire des alliances avec les souverainistes et les progressistes qui ne sont plus au PQ. J'ai donc poussé l'idée sur la place publique pour qu'on en discute. Cela dit, je ne savais pas que Pauline Marois avait mandaté Jean-François Lisée pour tâter le terrain auprès de Québec solidaire.

2 Vous ne pensez pas avoir contribué à l'image que bien du monde se fait du PQ, celle du parti qui ne cesse de se déchirer sur la place publique?

J'espère que non, car mon objectif est plutôt d'unir tout le monde. Je souhaite au contraire que les gens ont pensé: il est lucide, il voit clair. J'ai de la misère à me dire qu'il faut que je considère d'autres souverainistes comme des adversaires alors que nous faisons partie de la même famille. J'aime mieux qu'on s'unisse et qu'on se concentre sur nos vrais adversaires qui sont les libéraux et les adéquistes-caquistes.

3 Êtes-vous satisfait de l'effet provoqué par vos déclarations?

Ça n'a pas fait l'affaire de tout le monde, mais dans l'ensemble, l'idée, c'était: faisons le débat. Or, on en a parlé. Il y a eu des papiers critiques, des analyses, des réflexions. Le citoyen qui s'intéresse à la chose publique a une meilleure idée des pour et des contre d'une alliance avec Québec solidaire qu'il en avait au début de la semaine, alors je suis plutôt content. Maintenant, il faut réaliser l'alliance.

4 Le leadership de Pauline Marois est remis en question toutes les deux semaines. Pourquoi, selon vous?

La première raison de ces remises en questions est liée à la nature même du Parti québécois qui, à l'origine, était une coalition créée pour réaliser l'indépendance du Québec. On a été capables de traverser 40 ans d'histoire marqués par des crises et des controverses parce qu'il y avait cet objectif commun - l'avenir du Québec - qui tenait tout le monde ensemble. Les impatiences des uns et des autres sont plus difficiles à calmer aujourd'hui parce qu'il est clair que la tenue d'un référendum n'est pas pour demain. Mme Marois essaie de maintenir cette coalition gauche-droite et c'est très difficile.

5 Selon vous, quelles sont les principales qualités de Pauline Marois?

Son sens du compromis, sa capacité à trouver le juste équilibre et son intégrité irréprochable.

6 Vous avez déclaré que le Parti québécois était menacé de disparition. Le croyiez-vous sincèrement ou s'agissait-il d'une formule pour frapper l'imaginaire?

Je voulais frapper l'imaginaire, mais en même temps, je ne tiens plus rien pour acquis. Personne n'avait vu venir la débâcle du Bloc québécois. Je crains que si le PQ ne retrouve pas la ferveur populaire, le rêve qui anime les Québécois va disparaître. Le Parti québécois a permis d'établir un rapport de force avec le reste du Canada. S'il nous arrive la même chose qu'au Bloc, c'est tout le Québec qui va s'en ressentir. Peut-être y a-t-il des gens qui trouvent que je suis allé trop loin, mais je veux avoir la conviction que tout a été fait pour sauver ce parti.

7 Que pensent vos collègues de votre démarche?

Certains trouvent que je vais trop loin, mais quelle est l'autre solution? Ne rien dire de peur d'être critiqué? Je suis venu en politique pour les idées bien avant le pouvoir. Je veux le pouvoir pour réaliser des idées. D'autres me disent: tu fais ça par ambition. Je vais vous dire une chose: je me mets pas mal de monde à dos en faisant cela. Je veux bien admettre une certaine ambition, mais c'est d'abord le débat qui m'intéresse. Quant à ceux qui me reprochent de tenir le débat à l'extérieur du caucus, je pose la question: on fait quoi quand on a l'impression que la discussion est arrêtée au sein du caucus? Je suis sorti dans les médias en espérant que l'opinion publique nous pousse dans le dos.

8 Pensez-vous sincèrement que Gilles Duceppe accepterait d'être numéro 2?

J'admets que pour quelqu'un qui a été chef, ce n'est pas évident. Mais au nom de la cause, il devrait faire équipe aux côtés de Pauline Marois aux prochaines élections.

9 Le désabusement est très élevé au sein de la population. Pensez-vous que les Québécois vous croient quand vous dites appuyer Pauline Marois?

Je pense qu'un certain nombre de personnes sont sceptiques. Pour plusieurs, ma sortie a été perçue comme une fronde. Mais je le répète, si je suis sorti sur la place publique, c'est parce que je croyais que le parti ne voulait pas discuter d'une possible alliance. Maintenant que je sais que Mme Marois réfléchit elle aussi à une alliance et qu'elle a même mandaté quelqu'un, alors on s'entend sur l'essentiel. Je n'ai pas pris position contre ma chef. J'essaie d'être cohérent avec moi-même, je ne suis pas responsable des perceptions et des analyses de chacun. Je ne serai jamais un député complaisant.

10 Vous êtes un ancien journaliste et il y a déjà quelque temps que vous êtes en politique. Quel trait du journaliste avez-vous conservé?

Cette habitude détestable aux yeux de certains de poser des questions et de le faire à voix haute. On ne peut pas sortir le journaliste du gars.

TWITTER +1 de Marie Aujolat@mardifadoq

Monsieur Drainville, seriez-vous candidat à la direction du PQ contre Gilles Duceppe?

On peut me reprocher bien des choses, mais on ne peut pas me reprocher de manquer à mon devoir de loyauté. Je n'ai pas été reposant, je ne fais pas les choses de manière orthodoxe, mais sur l'essentiel, Pauline Marois a pu compter sur moi. Je pense qu'elle fera les prochaines élections et avec une alliance, nous avons de bonnes chances de gagner. On verra ce qui se passera au terme des élections et, alors, je pourrai répondre à la question.