Evenko, Bell, Quebecor et deux autres entreprises ont contrevenu à la loi sur le lobbyisme dans le dossier du nouveau Colisée de Québec. Mais à cause du délai de prescription très court - seulement un an -, il n'y a que Bell et Evenko qui sont passibles de sanctions.

C'est ce que conclut le Commissaire au lobbyisme, François Casgrain, dans son enquête rendue publique mercredi (résumé et rapport de 27 pages ici).

Pierre Boivin, qui était alors président d'Evenko, a fait du lobbying auprès de la ville de Québec sans s'enregistrer au registre. Il est accusé de quatre manquements à la loi. Evenko n'a pas retourné nos appels mercredi.

Siim Vanaselja, vice-président exécutif de Bell Canada, s'est quant à lui inscrit en retard au registre - soit plus de 30 jours après les activités en cause. «Nous avons oublié, par erreur, de nous inscrire (...), mais nous avons rapidement réglé la situation lorsque nous l'avons réalisé», a assuré sa porte-parole, Marie-Ève Francoeur.

Le commissaire a donc soumis ces cas au Directeur des poursuites criminelles et pénales. Chaque manquement à la loi est passible d'une amende de 500 $ à 25 000 $.

Infractions prescrites

Les autres infractions sont prescrites. Quebecor a omis d'enregistrer un lobbyiste (Jean-François Pruneau), et a enregistré les autres en retard.

Le 20 mai 2010, le pdg de Quebecor, Pierre-Karl Péladeau, et ses partenaires rencontraient le premier ministre du Québec, Jean Charest, et le maire de Québec, Régis Labeaume. «La rencontre avait pour objet de présenter le plan d'affaires relativement au projet du nouvel amphithéâtre», lit-on dans le rapport du commissaire. Quatre mois plus tard, un rapport d'Ernst & Young, commandé par Équipe Québec, concluait qu'il serait rentable d'opérer le futur Colisée. On n'incluait pas les coûts de construction. M. Charest annonçait la journée même que son gouvernement financerait la construction à 45%.

«Quebecor Media rappelle qu'aucune négociation n'a eu lieu et qu'aucune proposition n'a été soumise avant l'enregistrement au registre le 10 août 2010. Quebecor Media soutient donc avoir toujours agi de façon responsable et de bonne foi dans ce dossier, ajoutant que l'ensemble des négociations visant la gestion du futur amphithéâtre à Québec se sont tenues entre septembre 2010 et février 2011», a réagi l'entreprise par voie de communiqué.

«Lorsque (les dirigeants de Quebecor) ont constaté qu'un processus formel se cristallisait en vue de l'éventuelle construction d'un nouvel amphithéâtre à Québec, les représentants de Quebecor Media ont effectué, le 10 août 2010, l'enregistrement nécessaire au Registre des lobbyistes du Québec», y lit-on.

Le maire s'en remet à ses avocats

Dans son rapport, le commissaire rappelle que le chef de cabinet du maire Labeaume, Louis Côté, «n'a pas donné suite» à ses nombreuses demandes pour connaître les promoteurs qui communiquaient avec les titulaires de charges publiques. Le bureau du maire invoquait les ententes de confidentialité.

Régis Labeaume n'avait pas lu le rapport mercredi après-midi. Il n'a pas voulu commenter. «Tout ce que j'ai à dire pour l'instant, c'est qu'on a toujours été convaincus qu'on travaillait dans le meilleur intérêt de la population de Québec. Pour le reste, ça me semble éminemment complexe, alors je vais envoyer ça aux avocats.»

Aurifossor et Service deux rives aussi

Deux autres entreprises ont aussi violé la loi. Développements Aurifossor (jeux virtuels) et le Service d'expertise les deux rives (assureur) ont effectué des «communications d'influence» qui tombent sous la Loi sur le lobbyisme, sans ne jamais s'enregistrer. Ces infractions datent aussi de plus d'une année, et sont donc prescrites.

Dans son rapport, le commissaire propose d'ailleurs d'allonger le délai de prescription.

YvonCharest, pas un titulaire de charge publique

M. Labeaume avait mandaté Yvon Charest pour négocier avec les entreprises intéressées par la gestion du futur amphithéâtre. Le pdg d'Industrielle Alliance travaillait bénévolement. Au sens de la loi, il n'était pas considéré comme un titulaire de charge publique. Les communications d'influence avec lui ne relevaient donc pas de la loi sur le lobbyisme, conclut le commissaire.

Dix entreprises et organisations ont été en contact avec lui, dont la Brasserie Labatt, TELUS, Live Nation, Coca-Cola, la coop publicitaire de Chrysler-Jeep-Dodge, Bell et Evenko.

Le dossier inusité de l'amphithéâtre de Québec incite le commissaire à demander une deuxième modification à la loi. Ceux qui, comme M. Charest, agissent au nom de titulaires de charges publiques devraient être assujettis à cette loi lors de leurs activités de lobbying.