Les entreprises de Tony Accurso, Simard-Beaudry et Constructions Louisbourg, ne pourront plus obtenir de contrats publics pendant quelques années en vertu d'une loi adoptée à l'Assemblée nationale jeudi.

Elles devront de plus obtenir une autorisation spéciale de la Régie du bâtiment pour poursuivre les contrats gouvernementaux ou municipaux qu'elles sont en train d'exécuter, sur le chantier hydroélectrique de la Romaine par exemple.

La loi 35 prévoit qu'un entrepreneur reconnu coupable de fraude fiscale ou d'autres actes criminels ne peut plus soumissionner à un contrat public pendant cinq ans dès son verdict de culpabilité. La nouvelle sanction s'applique également à tout entrepreneur reconnu coupable au cours des cinq dernières années.

Fraude de plus de 4 millions dollars

Or, les firmes Simard-Beaudry et Constructions Louisbourg se sont reconnues coupables d'une fraude fiscale de plus de 4 millions de dollars, en décembre 2010.

Dès la sanction de la loi par le lieutenant-gouverneur, dans les prochains jours, la Régie du bâtiment imposera une «restriction» à la licence des deux entreprises. Une lettre, déjà prête, sera envoyée aux deux entreprises pour les en informer. De toute évidence, elles seront privées de contrats publics jusqu'en décembre 2015, selon les dispositions de la nouvelle loi.

Ce n'est pas tout. Toujours en vertu de la loi 35, toutes les autres entreprises détenues par les dirigeants ou actionnaires à plus de 20% de Simard-Beaudry et de Constructions Louisbourg subiront la même sanction.

Si les entreprises visées ont obtenu récemment des contrats qui ne sont pas encore en cours d'exécution, elles les perdront. L'organisme public devra choisir le deuxième soumissionnaire parmi les plus bas ou retourner en appel d'offres, précise la loi.

Rappelons que depuis 1990, le groupe de Tony Accurso a obtenu pour environ 1 milliard de dollars de contrats publics au Québec, dont les deux tiers accordés par le ministère des Transports. Selon The Gazette, les entreprises du groupe Accurso sont les premières bénéficiaires des contrats à Montréal depuis 2006.

Simard-Beaudry et Constructions Louisbourg font des travaux sur plusieurs chantiers publics à l'heure actuelle. Ces entreprises devront avoir une autorisation spéciale de la Régie du bâtiment pour les poursuivre. Le ministre, la municipalité ou l'organisme qui a donné le contrat doit faire une demande en ce sens à la Régie.

Les deux entreprises ont 18 contrats du ministère des Transports, d'une valeur totale évaluée à des centaines de millions de dollars. Elles perdront vraisemblablement les deux qui ne sont pas en cours d'exécution (le remplacement des ponts de l'île Thomas à Vaudreuil-Dorion et de l'asphaltage à Laval). Pour les 16 autres, la majorité des travaux sont presque complétés - mais ils le sont à 34% pour ce qui est de la reconstruction d'une partie de l'échangeur Décarie. Le MTQ analyse s'il fera une demande d'autorisation spéciale à la Régie.

Questionnée pour savoir si les sanctions allaient condamner à la fermeture les entreprises de Tony Accurso, acteur majeur dans la construction, la ministre du Travail, Lise Thériault, a répondu qu'«on a tout ce qu'il faut pour prendre la relève», puisque le Québec compte 41 000 entreprises de construction. «Il n'y a personne d'irremplaçable ici, même pas en politique, ni en journalisme, et encore moins en construction», a-t-elle ajouté. Les entreprises sanctionnées pourront toujours se tourner vers le marché des contrats privés de construction.

L'enquête se poursuit

Notons que la Régie poursuit son enquête sur Simard-Beaudry et Constructions Louisbourg, dont les licences pourraient être suspendues, voire révoquées. La loi 35 facilite la tâche de l'organisme puisqu'elle lui donne le pouvoir d'obliger les entreprises à produire tout document lié à la fraude fiscale. Et il n'est plus nécessaire d'établir un lien entre la faute commise et les activités dans l'industrie de la construction.

Avec la loi 35, «on veut écarter les entrepreneurs malhonnêtes de nos chantiers. Quand on fait de la fraude fiscale, de la fausse facturation, quand on élude des impôts, on ne mérite pas d'avoir des contrats du gouvernement», a affirmé Lise Thériault en conférence de presse. Les contrats publics représentent 16 milliards de dollars par année.

Quelque 90 entreprises condamnées pour fraude fiscale ou d'autres actes criminels prévus à la loi 35 au cours des cinq dernières années sont touchées par la nouvelle sanction. Une quinzaine d'entre elles font affaire avec le gouvernement.