La colère gronde dans une résidence pour personnes âgées de Joliette où des employés et des aînés réclament la réintégration du concierge de l'établissement, un ex-motard au lourd passé criminel.

Des résidants du complexe Marie-Clothilde sont en colère contre la ministre déléguée aux Services sociaux, Dominique Vien, et sa collègue responsable des Aînés, Marguerite Blais, qu'ils accusent d'avoir réclamé la tête de Pierre Provencher.

L'ancien préposé à l'entretien a démissionné de ses fonctions le 4 novembre peu avant la télédiffusion d'un reportage étalant son passé criminel.

«Je savais que c'était sur le point d'éclater au grand jour et se retrouver dans les médias, alors j'ai décidé de démissionner pour ne pas causer de dommages à personne», a expliqué M. Provencher en entrevue plus tôt cette semaine.

M. Provencher traîne une feuille de route à donner froid dans le dos.

Ancien président du club de motards les Rockers, proche du Hells Angels Maurice «Mom» Boucher, Pierre «Pépé» Provencher a été arrêté dans le cadre de l'opération policière Printemps 2001.

Il faisait face à 13 chefs d'accusation de meurtre prémédité, mais a plaidé coupable à des accusations réduites. Il a été condamné à purger 10 ans de prison pour complot pour meurtre, gangstérisme et trafic de drogue.

À sa remise en liberté en 2010, il s'est trouvé un boulot comme concierge à la résidence Marie-Clothilde de Joliette, un établissement privé pouvant accueillir 160 personnes âgées nécessitant des soins particuliers.

Son départ a attristé la direction du complexe et nombre d'employés et de résidants, mais a réjoui la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais.

La ministre jugeait en effet «inacceptable» la présence d'un ex-criminel endurci dans l'environnement des aînés au moment même où le gouvernement cherche à resserrer la sécurité des personnes vulnérables.

Depuis, des résidants ont fait signer une pétition en faveur du retour au travail de M. Provencher, un geste qu'appuie la direction de l'établissement.

«Je le reprendrais demain matin», a affirmé le propriétaire Luc Bergeron lors d'un entretien téléphonique.

«C'était un bon employé, poli et attentionné. Il faut toujours être vigilant concernant la sécurité des personnes âgées, mais en même temps, il ne faut pas les infantiliser non plus, elles ont du jugement, elles ne se laissent pas passer n'importe quoi», a-t-il poursuivi.

Dans une lettre transmise à La Presse Canadienne, Henriette Richard, une résidante septuagénaire du complexe Marie-Clothilde, accuse la ministre Vien d'avoir «mis de la pression» sur la direction pour «se départir» de M. Provencher.

Elle reproche aussi à la ministre Blais «d'avoir insulté» les résidants en intervenant publiquement dans le dossier.

«Mme Blais n'a jamais retourné nos quatre appels. (...) Quand vient le temps de supporter la population vieillissante, elle n'était pas là cette chère Mme Blais, mais elle s'est rendue disponible pour les médias. Nous les résidants, avons été très insultés de cela», écrit la dame de 79 ans.

En dépit de son passé violent, Provencher était fort apprécié des résidants, selon Mme Richard, qui réside depuis quatre ans au centre Marie-Clothilde.

«Il était toujours de bonne humeur, respectueux, calme, professionnel. Il m'aidait à préparer la salle toutes les semaines pour la messe, il prenait soin de garder notre bâtisse propre», raconte-t-elle.

Mais pour prévenir la maltraitance des personnes âgées, le gouvernement Charest s'apprête à resserrer les mailles du filet avec le projet de loi 16, en attente d'adoption finale.

Ce projet de loi revoit le processus de certification des résidences pour personnes âgées en incluant la vérification systématique des antécédents judiciaires non seulement de l'exploitant et des membres du conseil d'administration, mais aussi des employés et des bénévoles.

Les modalités ne sont pas encore définies, mais une chose est sûre, un individu comme Pierre Provencher, même si son comportement est jugé irréprochable, ne pourra plus travailler dans une résidence pour aînés une fois la loi adoptée, a indiqué une collaboratrice de la ministre Vien, Louise Quintin.

«Ni dans une résidence pour personnes âgées, ni auprès des jeunes, ni auprès des handicapés», a-t-elle précisé.

Le projet de loi résulte de bonnes intentions, mais il va trop loin, selon M. Bergeron, qui possède huit résidences pour personnes âgées, incluant le centre Marie-Clothilde.

«Trop c'est comme pas assez. M. Provencher n'a pas commis de crime envers les personnes âgées et il a droit à la réhabilitation. Si les crimes commis ne sont pas en lien avec la clientèle, pourquoi l'empêcher de gagner sa vie?», a-t-il soulevé.

Une opinion que partage Rachel Cloutier, une employée à la résidence Marie-Clothilde.

«Nous nous expliquons mal comment on peut investir tant d'énergie et de fonds publics dans les programmes de réinsertion sociale pour ensuite bloquer l'accès à l'employabilité», a-t-elle fait valoir.

Malgré les demandes répétées, la ministre Dominique Vien n'a pas retourné les appels de La Presse Canadienne.