Malgré les mises en garde du vérificateur général et du commissaire à la collusion, Jacques Duchesneau, le ministère québécois des Transports a continué d'accorder les contrats de surveillance de travaux sans appel d'offres. Trente-cinq contrats, pour un total de 123 millions, ont été attribués de gré à gré l'an dernier. Et pour les quatre premiers mois de l'année, on était déjà à 53 millions.

«Si on suit la courbe, là, une phrase politique assez célèbre, si la tendance se maintient, ça irait à 160 millions pour cette année. C'est un bar ouvert pour les entreprises, les entreprises d'ingénierie qui sont au coeur de bien des scandales», a soutenu mercredi Sylvie Roy, députée de l'Action démocratique du Québec qui a compilé ces statistiques.

À l'Assemblée nationale comme en point de presse, Mme Roy a relevé que les administrateurs de la quinzaine de firmes qui ont bénéficié de ces contrats année après année ont contribué de 1,2 million en 10 ans au Parti libéral du Québec.

À l'Assemblée nationale, le ministre des Transports, Pierre Moreau, a fait de l'ironie en lien avec les révélations de Mme Roy. «C'est rassurant pour la population du Québec de savoir que les chantiers du ministère des Transports font l'objet de contrats de surveillance. Je ne connais aucun chantier, quel qu'ait été le gouvernement, qui a fait l'objet d'une mise en oeuvre sans qu'il y ait des mandats de surveillance qui ont été donnés», a-t-il soutenu, avant d'inviter Mme Roy à se présenter devant la commission Charbonneau.

«S'il veut badiner avec les sous que les contribuables dépensent... le ton du gouvernement actuel, c'est ce qui amène le cynisme. Le contribuable qui se lève le matin pour aller travailler, qui se promène parmi les cônes orange puis qui paie ça la trouve moins drôle», a répliqué Mme Roy.

En après-midi, M. Moreau a fait le point de presse qu'il avait décliné en matinée. Selon lui, Mme Roy tient essentiellement compte de mandats de surveillance pour des contrats signés avant le 1er octobre 2008. Les contrats de surveillance sans appel d'offres ont atteint 113 millions en 2009-2010, 123 millions en 2010-2011 et atteignaient 53 millions pour les quatre premiers mois de 2011-2012.

L'absence d'appel d'offres est conforme aux règles qui existaient à l'époque et qui ont été resserrées depuis. Le mois dernier, Québec a annoncé que les plans et devis ainsi que la surveillance des chantiers ne pourraient être réalisés par la même firme pour les contrats de 40 millions et moins, a rappelé le ministre Moreau.

Il a confirmé qu'un contrat de gré à gré de 750 000$ a été accordé en février 2008 pour l'échangeur Turcot. La surveillance des travaux pour un échangeur à Québec a coûté 5,4 millions et un autre de 4,6 millions a été nécessaire pour la surveillance de travaux sur l'autoroute de la Beauce.

Selon Sylvie Roy, Québec a continué d'accorder des contrats sans appel d'offres bien après que le vérificateur général eut sifflé la fin de la récréation.

«Avant le 1er octobre 2008, c'est-à-dire de 2000 à 2008, les contrats de surveillance des travaux qui étaient accordés par le Ministère étaient confiés au concepteur des plans et devis, et ce, sans appel d'offres, conformément aux règlements», a répliqué le ministre Moreau.

Du 1er octobre 2008 au 25 novembre 2009, les contrats étaient sous l'emprise d'une nouvelle loi, en vertu de laquelle les situations «d'exception» où l'appel d'offres n'était pas nécessaire sont passées de 27 à 5. Ces «situations» survenaient en cas d'urgence, quand un seul entrepreneur était qualifié, quand une garantie, un droit de propriété ou un droit exclusif étaient en cause. Aussi, Québec pouvait décider que l'appel d'offres ne servirait pas l'intérêt public, a indiqué M. Moreau. Depuis novembre 2009, à la suite du rapport du vérificateur général, les contrats de surveillance ont été intégrés aux contrats de conception. Par conséquent, il n'y avait pas d'appel d'offres pour la surveillance du projet.