Pendant que le français recule au Québec, la ministre Christine St-Pierre «roucoule sur les tapis rouges» et débite «des clichés» sur la culture, s'est insurgé mercredi le député péquiste Yves-François Blanchet.

Courroucée, la ministre a aussitôt exigé des excuses de la part de son adversaire du Parti québécois pour ses propos «bassement populistes et qui manquent de classe».

Porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. Blanchet reproche à la ministre de la Culture de ne pas faire son travail de chien de garde de la langue française.

Or, les exemples de régression du français au Québec s'accumulent à un rythme alarmant, a fait valoir le député lors d'un entretien avec La Presse Canadienne.

Affichage commercial en anglais, recrutement de dirigeants anglophones à la Caisse de dépôt et placement, bilinguisation de l'administration publique, les incidents ne manquent pas pour illustrer le recul de la langue officielle du Québec, a-t-il soulevé.

«C'est comme si le Québec n'avait pas évolué depuis les années 1970. L'anglais est en train de redevenir la «lingua franca» des milieux de travail. Même pour un travail de journalier dans une ville aussi francophone que Drummondville, une maîtrise de l'anglais est demandée», a-t-il affirmé.

Contrairement aux gouvernements libéraux précédents, celui dirigé par Jean Charest se démarque par «sa grande indifférence» à l'égard de la langue française, selon M. Blanchet.

À ses yeux, le gouvernement Charest fait tout en son pouvoir pour ne pas déplaire à la minorité anglophone, même si cela implique le mépris des lois linguistiques.

«Ça va peut-être au-delà de l'indifférence. Dans la situation politique où il est, compte tenu de sa base électorale, le gouvernement libéral juge absolument nécessaire de ne pas déplaire à la clientèle anglophone. Le gouvernement laisse filer toutes les infractions à la Charte de la langue française», a-t-il dit.

Dans le domaine de l'affichage, le laxisme est devenu à ce point patent que nombre de commerçants, y compris les plus gros, ne connaissent même pas leurs obligations à l'égard du français, a constaté le député de Drummond.

«Quels sont les dirigeants de très grandes entreprises qui sont sous l'impression qu'au Québec ils doivent franciser leur raison sociale à défaut de quoi ils auront un problème légal? Ils ont vaguement entendu parler de ça, mais ils sont tout à fait conscients que personne ne met la loi en application. Ils dorment dessus», a-t-il déclaré.

M. Blanchet réserve ses commentaires les plus durs pour la ministre St-Pierre, responsable de l'application de la Charte de la langue française.

À son avis, la ministre n'a jamais affiché la moindre détermination à défendre la langue de la majorité. Elle se contente plutôt d'annoncer des concours et d'assister sagement aux grandes premières.

«Son travail solennel et fondamental, c'est de s'assurer que non seulement le français ne recule pas, mais qu'il y soit consolidé. On en est très loin. Je ne pense pas qu'elle ait jamais eu l'intention de défendre véritablement le français. Mon impression est que Mme St-Pierre est beaucoup plus enthousiaste pour aller roucouler sur les tapis rouges», a-t-il soutenu.

Même en ce qui à trait à la promotion et au développement du secteur culturel québécois, le bilan de Mme St-Pierre est plutôt mince, selon M. Blanchet, ancien impresario du chanteur Éric Lapointe.

«Je ne suis pas impressionné. Il n'y a pas de grandes réflexions, pas de vision structurée, pas de politique d'adaptation à l'économie numérique, pas d'intérêts fondamentaux pour l'évolution de la culture. On est dans les clichés de répéter «Céline Dion» et «Cirque du Soleil» dans les conférences de presse alors que le dynamisme de la culture québécoise va bien au-delà de ça», a-t-il souligné.

La ministre n'a pas du tout apprécié la sortie de son vis-à-vis du PQ, y voyant l'expression de préjugés «bassement populistes» sur les responsabilités du ministère de la Culture.

«C'est bas, ça manque de classe. Je pense qu'il doit retirer ses propos et présenter des excuses pour son manque total de connaissance», a-t-elle répliqué d'un ton irrité.

«Allez voir les artistes, demandez leur s'ils sont satisfaits du support de la ministre de la Culture. Allez demander à Éric Lapointe s'il était content que je le visite dans sa loge après un spectacle. J'ai l'agenda le plus chargé du gouvernement après celui du premier ministre», a-t-elle fait remarquer.

Quant à la défense du français, l'opposition péquiste n'a pas de leçon à donner au gouvernement actuel, selon Mme St-Pierre.

«Ils parlent fort dans l'opposition mais quand ils étaient au pouvoir, ils n'ont pas hésité à sabrer le budget des organismes de défense du français. Nous, au contraire, on ajoute des ressources, on a comblé 26 postes à l'Office québécois de la langue française», a-t-elle dit.