Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre une personnalité qui s'est retrouvée au premier plan médiatique et lui pose 10 questions en lien avec la couverture dont elle a été l'objet. La 11e question provient du public. Cette semaine, notre journaliste s'entretient avec Gérard Deltell, chef de l'Action démocratique du Québec.

1. Les adéquistes de la première heure vous pressent de rallier le nouveau parti de François Legault. Vous continuez à dire que c'est un scénario parmi tant d'autres, pourquoi?

Parce que nous sommes un parti avec une histoire, un passé, un présent. Il est donc légitime que le débat se fasse. Tout le monde veut qu'on aille au fond des choses et je crois que c'est important de le faire. Je vous rappelle qu'il n'y a pas si longtemps, on disait encore: laissons à François Legault le temps de faire ses preuves et d'expliquer ce qu'il veut faire. On ne dira donc pas oui à une fusion sans d'abord discuter. Nous on est là pour défendre des enjeux et des idées, pas pour briller dans les sondages. C'est pour ça qu'on a entamé des discussions.

2. Croyez-vous sincèrement que l'ADQ a des chances de survie si elle ne fusionne pas avec la Coalition pour l'avenir du Québec?

Absolument. L'enjeu actuellement n'est pas la survie mais bien de voir si on est capable de mettre des idées en commun. Nous sommes un parti connu, avec des milliers de militants à travers le Québec. Nous sommes présents comme jamais dans le débat public. C'est l'ADQ qui a initié tous les grands débats récents, que ce soit le placement syndical, le rôle et la légitimité des commissions scolaires ou la tenue d'une commission d'enquête publique qui aura finalement lieu. Nous sommes plus pertinents que jamais et nous allons continuer à l'être si la fusion ne se fait pas.

3. Pensez-vous être en position d'imposer des conditions à cette fusion?

En politique, on n'impose rien, on s'entend. Je ne suis pas là pour jouer du coude, je suis là pour voir si on peut s'entendre sur une vision, des concepts, des engagements. C'est pour cette raison que je préfère que le contenu des discussions actuelles demeure confidentiel.

4. Quelles sont les valeurs communes entre l'ADQ et la CAQ?

Il est clair qu'il y a une communion d'esprit sur certaines questions. Je n'aurais pas ce genre de discussions avec Québec Solidaire, entendons-nous. Je dirais même qu'il y a plusieurs idées que met de l'avant la Coalition de M. Legault qui sont issues de l'ADQ. Pour le reste, nous sommes en train de l'explorer.

5. Diriez-vous que la CAQ est de centre droit comme l'ADQ?

Il y a des positions qui se rapprochent des nôtres en ce qui a trait à la gestion des fonds publics, à la lutte contre l'endettement, par exemple.

6. Qu'est-ce que l'ADQ peut apporter à la CAQ?

L'Action démocratique du Québec apporte beaucoup au débat public en général. Cela a pris du courage pour arriver avec des positions surprenantes, à contre-courant, il y a quelques années. Je pense à la question des clauses orphelin que Mario Dumont a défendue au début des années 2000. Il était pas mal tout seul là-dessus à l'époque. Même chose pour les commissions scolaires. Aujourd'hui, plusieurs reconnaissent qu'il faut les abolir. Bref, nous sommes à l'origine de plusieurs grands débats que nous avons toujours abordés de façon réaliste et responsable au fil des ans.

7. On dit que la droite monte au Québec et pourtant, cela ne semble pas vouloir se traduire dans les sondages. Comment expliquez-vous cela?

Je pense qu'au-delà des sondages, quand on s'attaque au fond, les gens partagent nos positions. Quand je rencontre des gens et que je leur demande: «Êtes-vous en faveur d'une saine gestion des fonds publics et du patrimoine québécois? Souhaitez-vous en avoir davantage pour votre argent, êtes-vous pour la liberté de choix?», je réalise qu'ils adhèrent aux positions de l'ADQ parfois sans le savoir. Je leur dis: au fond, vous êtes adéquiste mais vous ne le savez pas. De plus, je crois qu'il faut faire attention aux sondages car souvent, ils posent des questions sur des idées qui sont partagées par d'autres partis.

8. Seriez-vous à l'aise de vous retrouver dans le même parti que d'anciens bloquistes, par exemple?

Un parti, c'est un rassemblement d'individus qui ont des idées communes. Chacun a son passé, mais ce sont les idées qui font la force d'un parti, pas les personnalités - qui peuvent devenir soudainement moins populaires - ni les résultats des sondages qui montent et qui descendent. Moi, je suis là pour mes convictions.

9. Dans l'éventualité d'une fusion, vous ne seriez évidemment plus chef. Quel rôle aimeriez-vous jouer dans ce nouveau contexte?

Encore une fois, je vous dirais qu'on ne fait pas de la politique pour jouer un rôle ou pour avoir un numéro, on y va parce qu'on porte des idées. Quand je me suis lancé dans la course à la direction, il y a trois ans, je l'ai fait parce que je voulais défendre mes idées. Vous savez, les emplois que nous occupons en politique ne nous appartiennent pas, ils nous sont prêtés. Si j'avais pensé au poste que je voulais occuper et que j'avais regardé les sondages lorsque je me suis lancé, je serais plutôt allé du côté des libéraux qui m'ont ouvert grande leur porte. Il aurait été facile pour nous, les élus de l'ADQ, de tout abandonner mais nous avons continué car nous étions porteurs d'idées et nous l'avons fait avec beaucoup de dignité et de sérieux et avec un grand sens des responsabilités.

10. Vous avez longtemps été journaliste. Quelle a été votre plus grande surprise une fois rendu l'autre côté de la clôture?

C'est l'extraordinaire pression qui est exercée sur nous à chaque pas que l'on fait. Quand on est journaliste, ce n'est jamais agréable de faire un faux pas mais on peut rectifier le tir le lendemain auprès des auditeurs. En politique, quand on se met le pied dans la bouche, ça peut nous suivre longtemps et les conséquences ne sont pas les mêmes. Au début, je l'avoue, cette pression donne le vertige mais on finit par s'habituer. On n'a pas le choix, la puck roule vite dans ce métier. On est conscient de l'immense responsabilité qu'on a et qui vient avec la fonction.

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Est-ce plus le chef, le programme ou l'équipe qui vous séduit dans la CAQ?

Ce n'est pas une question de séduction mais une question d'idées et c'est pour cette raison que nous sommes là aujourd'hui et que nous discutons avec les gens de la Coalition. Cela dit, j'ai beaucoup de respect pour M. Legault, avec qui j'entretenais de bonnes relations lorsque j'étais journaliste. Mais au risque de me répéter, je ne suis pas là pour une personnalité, mais bien pour les idées. Si j'avais rejoint l'ADQ pour suivre M. Dumont, par exemple, qu'aurais-je fait lorsqu'il a démissionné une heure après l'annonce des résultats aux dernières élections? Mon engagement est plus profond que cela.