Même si le ministère des Transports (MTQ) a resserré le contrôle des contrats en novembre 2009, il a quand même autorisé depuis pour plus de 140 millions $ en dépassements de coûts. Ce chiffre provient d'une compilation effectuée par l'ADQ à partir de données obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

« La situation est pathétique. Il n'y a rien qui change », a lancé sa leader parlementaire, Sylvie Roy.

En novembre 2009, le vérificateur général Renaud Lachance critiquait sévèrement l'octroi de contrats au MTQ, le plus grand donneur d'ouvrage du gouvernement. Il recommandait entre autres que le sous-ministre approuve les dépassements de coûts de plus de 10%. De novembre 2009 à septembre dernier, ils se sont quand même élevés à 140 millions $, souligne l'ADQ.

« Pierre Duchesneau (sic) a dit que ces extras-là servaient à financer le noir dans la construction et le financement politique », a souligné Mme Roy.

Selon le ministre des Transports, Pierre Moreau, « ces liens n'existent pas ». Il rapporte que Jacques Duchesneau a affirmé en commission parlementaire que son enquête ne pouvait établir « aucun lien » entre le financement des partis politiques et les extras. En fait, M. Duchesneau n'a pas nommé d'entreprises ou de cas précis. Mais il a affirmé: « Il n'est pas normal qu'il s'institue un rapport de dépendance du politique à l'égard du milieu de la construction. Et je précise d'emblée que la question politique ne faisait pas partie explicitement du mandat de prévenir la collusion dans l'attribution et l'exécution des contrats au ministère des Transports. Malgré tout, plusieurs collaborateurs ont tenu à nous en parler, surtout en rapport avec le monde municipal. »

Son rapport citait notamment un ingénieur qui affirmait ceci : « Plusieurs grosses firmes de génie procèdent de façon similaire. Le VP peut disposer de 50 000 à 60 000 $ en cash pour rembourser les employés qui, eux, font des chèques personnels en contribution aux partis politiques. Le truc est le suivant : c'est l'entrepreneur qui facilite le tour de passe, mais c'est en haut que ça se joue. Mettons que l'ingénieur de la firme chargée de la surveillance doit autoriser un extra de 100 000 $ pour des travaux supplémentaires. Il trouve le moyen d'aller chercher le double auprès du MTQ. Il y a donc un 100 000 $ blanchi à se partager : la firme pourra l'utiliser pour contribuer à des caisses électorales et l'entrepreneur pour payer ses travailleurs au noir. »

Le ministre Moreau assure que les dépassements de coûts étaient approuvés par une procédure administrative qui est à l'abri d'ingérence politique. « À la fin du contrat où il y a eu des travaux additionnels, les entrepreneurs présentent une réclamation au ministère. Cette réclamation est analysée par un expert du MTQ, et une décision administrative est prise (...) C'est ce qu'a expliqué Jacques Duchesneau en commission parlementaire », dit-il.

Ententes à l'amiable

Le MTQ avait refusé de fournir le total des dépassements de coûts à La Presse. Il a seulement donné la somme des ententes à l'amiable au sujet des dépassements de coûts. De telles ententes ne représentent qu'une partie des dépassements de coûts chargés. Elles totalisent près de 60 millions $ depuis 2004.

M. Moreau a tenu à remettre ces chiffres en perspective. Il s'agit d'une moyenne annuelle de 6,7 millions $, soit 0,29% de la valeur totale des contrats, rapporte-t-il. « Par exemple, en 2010-2011, le montant payé en réclamations a été de 8,7 millions $ pour des investissements routiers de plus de 4 milliards $. Cela représente 0,23%.»

Le MTQ a refusé de fournir à La Presse la liste nominale des firmes qui ont chargé ces extras. Lors de sa nomination en septembre, M. Moreau annonçait pourtant qu'il implanterait une culture de transparence au MTQ. Il a affirmé qu'une vérification interne a été faite sur 74 contrats dans lesquels il y avait des dépassements de coûts. « Dès qu'elle sera complétée, on va rendre cette information publique », a-t-il promis.