Le premier ministre Jean Charest a averti le mouvement syndical, vendredi, qu'il ne se laisserait pas intimider et qu'il n'entendait pas reculer dans le dossier du placement des travailleurs par les syndicats sur les chantiers.

En mission à Barcelone, en Espagne, M. Charest a exhorté les syndiqués de la construction à ne pas paralyser les chantiers pour exprimer leur mécontentement.

«Il faut accepter la démocratie, a déclaré M. Charest. Il faut accepter que le moment est venu, maintenant, de changer les règles du placement dans la construction au Québec. Il n'est pas acceptable qu'on pose des gestes illégaux ou de perturbation.»

Jeudi, la FTQ-Construction a laissé planer le spectre de ralentissements et d'arrêts de travail pour protester contre le projet de loi.

Mais vendredi, la FTQ a assuré qu'elle ne bloquerait pas les chantiers, mais a accusé le gouvernement d'entretenir un climat de panique pour faire diversion.

Au coeur du litige se trouve le projet de loi 33, qui vise à empêcher les syndicats de «placer» de la main-d'oeuvre eux-mêmes sur les chantiers de construction.

Si le texte est adopté, le système de référence des travailleurs ne relèvera plus des syndicats, mais de la Commission de la construction du Québec (CCQ), présidée par l'ex-ministre péquiste Diane Lemieux.

«On veut moderniser le placement, a expliqué M. Charest. On ne cherche pas à nuire à quiconque. On veut simplement que tous les travailleurs de la construction du Québec puissent être traités de manière équitable.»

La FTQ-Construction et le Conseil provincial, qui représentent à eux seuls 70 pour cent des travailleurs de la construction du Québec, ont dénoncé avec virulence le projet du gouvernement. De leur côté, la CSN et la CSD, des joueurs modestes dans cette industrie, l'appuient.

Vendredi, l'ancien ministre du Travail Laurent Lessard a admis qu'il a dû être protégé par la Sûreté du Québec après avoir été intimidé il y a quelques années. Il venait de demander à la CCQ d'examiner la question du placement syndical.

«Jamais le gouvernement du Québec ne se laissera intimider», a martelé M. Charest vendredi. Selon lui, le «consensus» en faveur de l'élimination du placement syndical «est encore plus fort aujourd'hui» qu'au moment où M. Lessard était intervenu sur la question, en 2005.

«Les gens ont le droit de s'exprimer, a dit le premier ministre. (...) Mais il faut le faire dans le respect de nos lois et de l'opinion des autres, surtout dans le cas d'un projet qui a été mûrement réfléchi sur plusieurs années.»

Au cabinet de la ministre du Travail, Lise Thériault, un porte-parole a indiqué que la garde rapprochée n'a pas été renforcée, mais que la Sûreté du Québec assure une vigilance attentive de la situation.

Après avoir accordé des entrevues à la télévision, la ministre n'était apparemment plus disponible en début d'après-midi vendredi pour s'entretenir avec les médias écrits.

Jusqu'ici, aucun gouvernement n'a réussi à mettre un terme au placement syndical, dont l'abolition avait été recommandée dès 1975 par la commission Cliche.

M. Charest se montre ferme à l'endroit des syndicats de la construction alors qu'il subit des pressions plus intenses que jamais pour ordonner la tenue d'une commission d'enquête publique sur la collusion et la corruption dans l'industrie.

À ce propos, la FTQ-Construction accuse le gouvernement de tenter de faire diversion. «Énormément!» a répondu son président, Arnold Guérin, en entrevue téléphonique.

Il soutient que les libéraux veulent tout simplement détourner l'attention sur autre chose que le rapport Duchesneau ou les demandes en faveur d'une commission d'enquête.

«Ils (les libéraux) remettent tout ça sur notre dos», a poursuivi M. Guérin, en rappelant que le rapport de l'unité anticollusion n'a pourtant rien à reprocher aux syndicats.

«Je ne dis pas qu'il y a pas de problèmes et qu'on ne devrait pas s'assoir (pour en discuter), mais il ne faut pas tout «scrapper» le système qui est là.»

Mais le gouvernement préfère plutôt entretenir un climat de «panique» et «faire peur à la population», a-t-il ajouté, en indiquant qu'on exagère les cas d'intimidation sur les chantiers.

De même, son syndicat ne bloquera «jamais» les chantiers en guise de représailles, pas plus qu'il ne menacera le gouvernement et ses ministres.

«Comme si on était les gros méchants! s'est-il insurgé. Ils essaient de nous faire passer comme ça en disant qu'il faut protéger la ministre. Voyons donc! Je suis contre toute forme d'intimidation.»

En revanche, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) appuie le projet de loi du gouvernement et demande depuis longtemps l'assainissement des pratiques sur les chantiers qui favorisent la FTQ, selon elle.

«J'espère que nos camarades de la FTQ-Construction et du Conseil provincial (des métiers de la construction) vont réaliser qu'ils ne peuvent pas intimider les gens de la CSN parce qu'ils n'ont pas la même opinion du projet de loi», a déclaré le président de la CSN, Louis Roy.

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

Des policiers du Service de police de la Ville de Montréal étaient présents aux abords du chantier du Centre universitaire de santé McGill, vendredi matin.