La FTQ-Construction laisse planer la menace de ralentissements et d'arrêts de travail dans des chantiers pour protester contre le projet de loi 33 qui vise à éliminer le placement syndical et à lutter contre l'intimidation.

En entrevue à La Presse jeudi, le directeur général du syndicat, Yves Ouellet, n'a pas écarté ce type de moyen de pression. «Je n'exclus rien. Je laisse planer toutes les possibilités. Ce n'est pas compliqué: c'est la survie de notre industrie qui est en jeu. Ce n'est pas vrai qu'une fois qu'ils vont nous avoir tous démolis, je vais me dire: «mon Dieu, j'aurais donc dû faire ça».»

Pour l'heure, la FTQ-Construction de même que le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International) entendent «informer» leurs membres «sur ce que le projet de loi veut vraiment dire». Ils représentent plus des deux tiers des travailleurs. Ils ont déjà lancé une campagne publicitaire dont le slogan est «On ne se laissera pas faire». «Une fois que les 110 000 travailleurs seront informés, on va faire ce qu'ils nous demandent. Nous allons aller aussi loin que les travailleurs nous le demandent», a souligné Yves Ouellet.

La ministre du Travail, Lise Thériault, «exhorte» les travailleurs et les employeurs qui seraient lésés par des «ralentissements sur les chantiers» à porter plainte. «Je ne qualifierais pas ça de guerre» entre le gouvernement et la FTQ, a-t-elle dit en conférence de presse, après le dépôt du projet de loi. «Il est évident que la FTQ va revendiquer certaines choses. Je pense que l'endroit où les débats doivent se faire, c'est en commission parlementaire», a-t-elle ajouté. «On n'est plus en 1970. Il y a des choses qui ne se font plus aujourd'hui», comme le «saccage» dans des chantiers. Elle a souligné que la CSN et la CSD appuient son projet de loi.

Aux côtés de la ministre, la présidente de la Commission de la construction du Québec (CCQ), Diane Lemieux, a indiqué que les syndicats ont le droit d'informer leurs membres mais qu'ils ne doivent pas dépasser les bornes. «Ce sont tous des adultes majeurs et vaccinés. Ils connaissent les lignes qu'ils ne doivent pas franchir. Ça se peut qu'ils s'expriment, des fois, de manière un peu plus costaude. Je suis dans le milieu de la construction depuis neuf mois, j'en ai vu un peu. Mais il y a une ligne à ne pas franchir», a-t-elle affirmé.

Comme La Presse l'a indiqué jeudi, elle a déjà mis sur pied une «veille de haut niveau» pour être informée de toute perturbation. Des travaux auraient été retardés pendant une heure au chantier du CUSM mercredi. «Dans certains chantiers, le mouvement d'information - qui est l'expression utilisée par les représentants syndicaux - aurait eu une durée peut-être un peu plus longue» que la normale. «Il faut que je le documente. S'il y a matière à enquêter, on va procéder», a dit Mme Lemieux. Elle a rappelé que, selon la loi, «quiconque ordonne, encourage ou appuie» un ralentissement de travail, peut être mis à l'amende. Elle a même donné un numéro pour dénoncer les fautifs (1 888 842-8282).

En vertu du projet de loi, les associations syndicales ne pourraient plus référer directement la main-d'oeuvre sur les chantiers. Elles devraient passer par le système de référence de la CCQ et obtenir un permis au préalable. Le conseil d'administration de la CCQ serait formé de quinze membres - au lieu de dix-sept - dont cinq issus des syndicats et cinq du patronat. Il y aurait quatre membres indépendants. La FTQ-Construction et le Conseil provincial perdraient ainsi un siège. Le choix de l'allégeance syndicale s'effectuerait désormais par la poste, plutôt que dans des bureaux de scrutin. Les cinq associations syndicales de la construction pourraient participer à la négociation des conventions collectives - d'une durée de quatre ans au lieu de trois. Une entente devrait être ratifiée par au moins trois associations syndicales représentant plus de 50% des travailleurs. Avec ce projet de loi, Québec met en oeuvre, comme promis, les recommandations d'un groupe de travail.