Le premier ministre Jean Charest a souhaité mercredi à Paris que le Festival d'été de Québec propose une programmation plus francophone en juillet prochain, pour tenir compte de la tenue du premier Forum mondial de la langue française. La remarque a immédiatement provoqué une mini-polémique, dans laquelle le patron du festival, Daniel Gélinas, a bien pris soin de ne pas s'engager.

Présent au dîner offert mercredi soir au Palais des Affaires étrangères par le premier ministre François Fillon pour souligner les 50 ans de la Délégation générale du Québec à Paris, M. Gélinas n'a pas voulu faire de commentaires. Mais on l'a aperçu quelques minutes plus tard, discutant, souriant et détendu, avec Michel Audet, le commissaire du Forum mondial de la langue française.

Toute cette affaire avait commencé en matinée, lors d'une conférence de presse au siège de l'Organisation internationale de la Francophonie, où M. Charest et le secrétaire général Abdou Diouf dévoilaient les détails du premier Forum mondial de la langue française. Le Forum, qui doit réunir un millier de participants, des jeunes surtout, se tiendra dans la vieille capitale, du 2 au 6 juillet. Il n'a pas échappé aux journalistes que la manifestation, vouée à promouvoir le français, allait chevaucher le Festival d'été (du 5 au 15 juillet), auquel on a beaucoup reproché ces dernières années d'accorder trop de place aux artistes anglophones.

«Nous, on tient pour acquis que la présence de ce forum va influencer la programmation, a répondu le premier ministre. Oui j'ai pris note de remarques qui ont été formulées sur le fait que la présence francophone n'était pas aussi forte. Il y a une scène francophone pendant le festival, mais la tenue du forum va avoir un impact sur la programmation et c'est tant mieux. C'est ce que nous souhaitons.»

À Québec, les réactions n'ont pas tardé. «Il n'y a personne qui peut influencer le Festival d'été», a prévenu la directrice des communications Luci Tremblay, en soulignant que le contenu francophone de la manifestation tournait autour des 60 pour cent.

Le Parti québécois, de son côté, s'est fendu d'un communiqué «dénonçant» les «contradictions» du premier ministre.

«En mission en France, il affirme qu'il souhaite une programmation plus francophone pour le festival. Le reste de l'année, ici, il affirme par la voix de sa ministre de la Culture qu'il n'a pas à intervenir. Il est difficile à suivre!», a déclaré le porte-parole de l'opposition en matière de langue, Yves-François Blanchet.

Après un entretien avec son homologue François Fillon dans l'après-midi, M. Charest a tenté de préciser sa pensée, se défendant d'avoir voulu intervenir dans la programmation du festival.

«On ne fait pas la programmation, mais il me parait évident qu'un va nourrir l'autre, que la présence du Forum sera en quelque sorte une occasion d'inspirer les événements au festival. Il serait tout à fait dans l'ordre des choses que l'un puisse influencer l'autre», a dit M. Charest.

Si ces déclarations ont déplu à Québec, elles ont réjoui le parolier Luc Plamondon. Informé des propos de M. Charest à son arrivée au Quai d'Orsay l'auteur de Starmania les a applaudis.

«Cent mille fois bravo!, a-t-il lancé. Le Festival d'été, je n'y mets plus les pieds tant qu'ils ne changeront pas leur programmation. On ne va pas à Québec pour écouter des groupes américains. Ils vont aller au colisée bientôt. Ils vont faire quoi, le festival d'été ? Ils n'auront plus d'artistes s'ils ne créent pas des stars québécoises. Ils disent que les artistes québécois ne sont pas assez stars pour remplir les plaines, mais ils essayent pas souvent... »

Le forum veut rassembler un millier de personnes, des jeunes surtout, issues de la société civile pour réfléchir à l'avenir de la langue française. En marge de cette réflexion, l'événement comportera également un volet festif, pour témoigner de la richesse des expressions culturelles francophones.